Écartons d’emblée tout malentendu : ici, point de fusion entre Oh No Ono et Hey Hey My My. Ce quatuor texan excelle plutôt dans l’art finement pesé du refrain candide. Une signature power pop de haute-volée.
Cimenté autour des multi-instrumentistes Daniel Hoxmeier et Greg Barkley, les gentils Oh No Oh My œuvrent dans une pop/folk ingénue tellement rétro qu’elle en filerait des boutons aux hipsters. Il est sur ce point rassurant de penser qu’en ses temps assourdissant de sirènes médiatiques permanentes, certains groupes de rock échappent encore au règles préétablies.
Alors que le cruel « buzz » régit désormais le destin des nouveaux noms – pour les oublier aussi vite – le parcours d’Oh No Oh My fait figure d’exception. Bien sûr, le quatuor n’a pas échappé en 2006, lors de son premier album – plutôt bien reçu – aux radars de Pitchforkmedia et de son bataillon de chroniqueurs. Mais People Problems, c’est un peu la revanche des derniers arrivés contre ces hordes de sprinters et autres gloires éphémères propulsées en première ligne après seulement deux singles à leur actif. Et sitôt oubliés.
Au départ, la course était déjà délicieusement faussée : un charmant premier album entièrement autoproduit, qui n’aurait jamais dû sortir de leur petit cercle d’amis. Évidemment, avec la discrétion bien connue d’Internet, il en fut autrement. Un mini-album suivra et c’est à peu près tout jusqu’à aujourd’hui (en omettant la réédition de vieilles démos). Les chansons de ce second opus ont été précieusement couvées, une carence de cinq ans souvent considérée comme fatale dans la carrière d’un jeune groupe. Mais vous l’aurez compris, Oh No Oh My aime prendre son temps, et c’est tout à son honneur. Sans compter que huit mois ont été nécessaires en studio pour en arriver à bout. Il n’est ainsi guère étonnant que People Problems soit considéré par ses auteurs comme leur véritable premier album.
Malgé ces longs mois passés en studio, toute tentation technologique chez ce quatuor semble glisser sans conséquence sur leur solide songwriting. Leur sens mélodique n’agresse jamais, même violemment compressé via votre lecteur MP3, l’aspérité sonore conserve la chaleur indémodable d’un bon vieux 33 tours. On peut même ressentir un sentiment de plénitude totale nous envahir à l’écoute d’“Again Again” et “There Will Be Bones”. Certaines harmonies vocales et arrangements de cordes sont sculptés avec la perfection du geste d’un Rodin. Une grâce lustrée qui n’appartient qu’aux maîtres : l’innocence des deux premiers albums des Shins transparait, mais l’art du refrain serait plutôt celui du Ben Folds Five voire un Nada Surf . Sur “I Don’t Know”, une ballade acoustique sertie de violons, on imagine le temps investi pour accoucher d’une telle douceur que n’aurait pas reniée feu Elliott Smith (ce contraste entre textes sombres et mélodies lumineuses). Ceci pour situer un peu le degré d’exigence de nos suprêmes mélodistes.
Toute proportion gardée, il y a pourtant bien du courant électrique qui passe sur ce disque. Comme sur “You Were Right”, leur morceau de bravoure, où flanqué d’un refrain génial, Greg Barkley maintient la note alors même que tout semble s’écrouler autour de lui. Le plus bouleversant refrain entendu depuis des lustres. On raconte souvent que le premier album d’un groupe incarne l’œuvre d’une vie. Exception à la règle, ce second album fait figure de délicieuse faille spatio-temporelle.