Musicien prolifique, fondateur du webzine Foxy Digitalis et du label Digitalis Recordings, l’américain Brad Rose fait partie de ces musiciens qui, avec l’œil vif et passionné, permettent de rendre compte de la richesse du présent. Quelques questions sur ses projets, sa vie et sa perception de la sphère musicale auxquelles il a bien voulu répondre.
Pinkushion : Le site de Foxy Digitalis a un nouveau visage depuis peu. Quelles étaient les raisons de ce changement ?
Il y en a plusieurs en effet, mais les plus importantes étaient de rendre plus fluide le processus de la mise en ligne des nouveaux contenus et partager des vidéos et des morceaux. Cela a également permis aux auteurs d’avoir plus de contrôle.
Comment avez-vous décidé de créer un site ? Quelles étaient vos motivations ?
Quand j’étais jeune, j’ai publié un fanzine, Foxy Digitalis, qui était centré principalement autour de la musique (bien qu’il y ait eu également des écrits personnels plus « grinçants ») et qui m’a bien amusé. Étant moi-même musicien, avoir l’opportunité non seulement d’expliquer la musique mais aussi d’interagir, d’échanger des idées sur les procédés, les motivations, les influences avec d’autres artistes est une chose fantastique.
Vous êtes musicien mais aussi chroniqueur. Comment se déroule l’écriture ? Comment évaluez-vous un album ?
En fait, je n’écris pas beaucoup de chroniques en ce moment à cause du manque de temps, mais j’ai toujours préféré des chroniques qui privilégient l’imagerie et l’émotion que la musique inspire à son auditeur, plutôt que son contexte historique et à quel genre elle pourrait appartenir. Quand il m’arrive d’écrire quelque chose (notamment pour ma rubrique Long Decline sur Foxy Digitalis), j’essaie de mettre en valeur ces aspects. Cela ne signifie pas qu’il n’est pas important de donner des informations sur celui ou celle qui constitue l’objet de la chronique. C’est juste que je ne vois pas l’intérêt d’en faire le point focal de mon texte.
Comment êtes-vous devenu musicien ?
Cela a commencé quand j’avais 10 ou 11 ans et cherchais désespérément à devenir une rock star plus tard. Mon père avait une guitare à cordes nylon avec laquelle je me défoulais pendant des heures. Par la suite, j’ai réellement appris à en jouer, et elle est devenue cette chose que je me devais de continuer, jusqu’à aujourd’hui.
Les albums de The North Sea, un de vos multiples projets musicaux, semblent suivre des directions musicales différentes (folk, minimaliste, etc). Votre récent opus, Bloodlines, est une expérience puissante, ambiante et bruyante. Y a-t-il une intention commune derrière tous les albums ?
Il y en a et il n’y en a pas. The North Sea a toujours été mon terrain de jeu concernant mes sentiments à un moment donné. En 2007, quand Exquisite Idols est sorti, j’ai senti le besoin de changer complètement les choses et je l’ai fait. Mon procédé avec The North Sea est juste de travailler, de voir quelle direction tout cela peut prendre, et si éventuellement quelque chose peut en résulter. Le prochain album sur lequel je travaille pour Type va avoir des éléments similaires qui se trouvent aussi dans Bloodlines, mais il va posséder beaucoup d’idées et thèmes nouveaux. Il est encore trop tôt pour en parler, mais je suis plutôt excité par le projet.
Mis à part The North Sea, vous avez d’autres projets musicaux. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Il y en a tellement, mais les principaux seraient :
Altar Eagle : C’est un projet de duo avec Eden, ma femme. C’est celui qui est le plus orienté chanson et dénote des inspirations allant de la techno à la musique pop.
Charlatan : C’est aussi un projet solo. Assez différent de North Sea, dans le sens où il y a une attention particulière pour la mélodie et la lumière. Récemment, il évoluait dans des univers plutôt techno/électronique.
Ajilvsga : Un autre duo, cette fois-ci avec mon ami Nathan Young, probablement le projet le plus tordu de tous. Lourd, bruyant et concis.
Il existe d’autres collaborations auxquelles je participe : Concessionaires (avec Pete Fosco), Ossining (avec Kevin Danchisko), Aerial Jungle (avec Rachel Evans).
Voilà donc pour les projets principaux.
Que pouvez-vous me dire à propos du label que vous avez créé, Digitalis Recordings ?
Digitalis est né il y a 8 ans, en 2003, à la base pour diffuser ma propre musique. Or comme j’ai continué à rencontrer des gens qui produisaient des choses superbes, le label s’est développé en fonction de cela. Il a évolué à travers les années, mais j’ai le sentiment que l’on se trouve en un lieu important actuellement, et il est très excitant de voir la tournure prise par le cours des évènements.
Comment choisissez-vous les albums à produire ? Avez-vous des critères de base ?
Il n’y a pas vraiment de logique particulière. Cela dépend entièrement de quelque chose qui me met en mouvement, d’une manière ou d’une autre. Le fait que l’on puisse entretenir une affinité personnelle avec le groupe ou le musicien en question n’entrave nullement la chose.
Digitalis Recordings et vos projets musicaux suffisent-ils à constituer un revenu « honnête » ou avez-vous un emploi hormis toutes ces activités ?
Non, Eden et moi avons des boulots à temps partiel qui aident à payer nos factures. L’activité du label se rembourse elle-même, et à nos yeux, c’est la chose la plus importante.
On imagine bien que vous suivez l’activité des autres labels. Lesquels ? Que pensez-vous de la scène musicale expérimentale/électronique aux États-Unis ?
Quelques-uns de mes labels favoris en ce moment sont Hobo Cult, Gift Tapes, Stones Throw, REL, Overland Shark, Weird Forest. Il y a des choses magnifiques qui se passent non seulement aux États-Unis mais partout dans le monde. Si vous demandez mon avis, je pense qu’il n’a jamais été un moment aussi propice à la musique. Il y a tellement de bonnes choses de nos jours – et non seulement expérimentales – que l’on n’a pas encore fini d’en écouter.
Pouvez-vous citer, avec un petit commentaire, vos cinq albums favoris du moment ?
Très bien. Les cinq albums que j’ai le plus écoutés ces deux dernières semaines sont :
Unrest, Imperial f.f.r.r. . Assurément un de mes albums pop favoris de tous les temps. J’aime Unrest parce qu’ils n’ont pas juste aligné dix chansons pop et ont appelé cela album. Il y a tous ces intervalles étranges, aléatoires ; d’autres bouts et pièces qui se tiennent magnifiquement ensemble, sans accroc. C’est un album parfait.
Ghostface Killah, Apollo Kids. Un de mes albums hip hop favoris, sorti l’année dernière, mais je l’écoute beaucoup en ces moments de neige et de froid : ça me réchauffe. Les samples utilisés dans cet album sont excellents et Ghostface est en très grande forme. Un album qui tue.
Spare Death Icon, Survival. La prochaine sortie chez Gift Tapes constitue déjà mon choix pour le meilleur album de l’année : c’est bon à ce point-là ! Des compositions pour guerre de synthétiseur post-apocalyptique. Incroyable.
C Section 8, Urban Music. Peut-être l’album le plus sous-estimé et négligé de 2010. Électroniques minimales et synthés infestés de grime avec renvoi aux sonorités des années 70 ; cet enfoiré a tout pour lui. Il y a beaucoup d’accroches pop souterraines dans le détail également, ce qui porte l’album entièrement à un autre niveau.
Tout de Panabrite. Aujourd’hui, la meilleure musique à base de synthétiseur arrive d’une source insoupçonnée : Seattle, Panabrite alias Norm Chambers. Les travaux de Chambers sont pour moi incomparables. Son utilisation de l’instrumentation non-synthé et la lutte constante contre le fait de tout mélanger avec les accroches pop les placent d’emblée à part par rapport aux autres projets du même esprit. Et ça, c’est génial.
Interview in english
Foxy Digitalis had a new website recently. What was the motivation behind it?
There were a number of reasons for it, but the two biggest were streamlining the process of posting new content and also having the ability to post things like videos, streaming tracks, etc. It has also given our writers more control.
How did you decide to create a musical website? What were your motivations?
When I was a teenager, I published a xeroxed fanzine called Foxy Digitalis that was mainly centered around music (though also some cringe-worthy personal writings) and I enjoyed it a great deal. Being a musician myself, having the opportunity to not only help shine a light on music I think is important, but to also interact with other artists and exchange ideas about process, motivations, influence, etc is fantastic.
You are a musician but also a writer. How is the writing process for you and how do you evaluate an album for example?
Well, I don’t write a lot of reviews anymore due to time constraints, but I have always preferred to read reviews that focus more on the imagery and emotion the music inspires in the listener rather than its historical context or how it fits in to a certain genre. When I do write something (generally for my Long Decline column on Foxy D), I try and highlight those aspects. That’s not to say that giving some background information and such on whoever/whatever you’re reviewing isn’t important – it is – I just have no interest in making it the main focus of whatever it is I’m writing about.
How did you become a musician?
It started when I was 10 or 11 and desperately wanted to be a rock star when I grew up. My dad had an old nylon-stringed guitar that I would fuck around with for hours. I eventually started figuring out how to actually play the thing and then just went from there and as I got older it just became something I had to do and that’s how it continues on to this day.
The North Sea albums seem to follow different musical directions (minimalistic, folk etc). Your recent Bloodlines is a powerful, noisy and ambient experience. Is there a common intention which relies all of them?
Well, there is and there isn’t. The North Sea has always been my playground to do whatever it is I’m feeling at the time. In 2007, after Exquisite Idols came out, I felt the need to completely change things up and so I did. My process with The North Sea is to just work on it and see what direction it goes and eventually something shakes out. The next record I am working on for Type will have some similar elements to Bloodlines, but will have a lot of new ideas and themes as well. It’s only in the early stages now, but I’m quite excited.
Beside The North Sea project, you have another musical projects. Can you tell a little bit about them?
There are many, but the main ones would probably break down as follows:
ALTAR EAGLE: This is a duo project with my wife, Eden. It is the most song-oriented of all my projects and draws a lot of inspiration from techno and pop music.
Charlatan: Also a solo project, it’s a lot different from The North Sea in that there is a focus on lightness and melody. Lately, it has also been treading into more techno/electronic realms.
Ajilvsga: Another duo, this time with my friend Nathan Young. Probably the gnarliest of all my projects. Heavy, noisy and to the point.
There’s a couple other collaborations that I do as well – Concessionaires (w/ Pete Fosco); Ossining (w/ Kevin Danchisko); Aerial Jungle (w/ Rachel Evans).
Those are the main ones.
Can you tell me about the Digitalis Recordings, the record label that you have founded?
Digitalis was started eight years ago in 2003, originally as a way to release my own music but as I kept meeting people doing such awesome stuff, it just grew from there. It’s evolved over the years, but I feel like we’re at a great place right now and I couldn’t be more exciting for where things are headed.
How do you choose the albums to produce with Digitalis Recordings? Do you have any basic standards?
There’s no real rhyme or reason or science behind it – it just depends entirely on whether or not something moves me in some way. It never hurts to feel some kind of personal affinity for the artist/band in question, too.
Are your incomes with Digitalis Recordings and your musical projects enough to your living or do you have a job beside all these activities?
No, Eden & I both have jobs we work part-time that help pay the bills. The label pays for itself and that’s the most important thing for us.
I imagine that you follow other label activities. Which ones? And what do you think about the actual experimental/electronic music scene in the USA?
Some of favorite labels lately are Hobo Cult, Gift Tapes, Stones Throw, REL, Overland Shark & Weird Forest. There’s a ton of great stuff happening not just in the USA but all over the world right now. If you ask me, there’s never been a better time for music. There’s so much killer music out there – and not just experimental stuff – that you’ll never hear it all.
Can you tell me your 5 favorite albums that you were listening recently?
Okay, five albums on heavy rotation the past two weeks:
Unrest « Imperial f.f.r.r. » Easily one of my all-time favorite pop albums. I love Unrest because they didn’t just put together 10 pop songs and call it an album… there’s all these random weird interludes and other bits & pieces that fit together seamlessly into something great. This is a perfect album.
Ghostface Killah « Apollo Kids » One of my favorite hip-hop albums that came out last year, but I’ve been listening to it a lot lately since it’s been cold and snowy cuz these jams are warming me the fuck up. The samples used on this album are off the hook and Ghostface is in top form. Killer record.
Spare Death Icon « Survival » This is coming out soon on Gift Tapes and is already my choice for best tape of the year – it’s THAT good. Post-apocalypotic synthesizer fight songs. Incredible.
C Section 8 « Urban Music » Maybe the most underrated and overlooked album of 2010. Minimal electronics and grime-infested synths with a nod to 70s library sound, this sucker has everything. There’s a ton of pop hooks buried in all the various nooks & crannies as well which just takes it to another level entirely.
Anything by Panabrite The best synthesizer-based music is coming from an unexpected source these days: Seattle, WA’s Panabrite aka Norm Chambers. For all the stuff that gets the love and hype, nothing can hold a candle to Chambers’ work for me. His use of non-synth instrumentation and constant struggle against infusing everything with pop hooks sets it apart from other similarly-minded projects. This is the real deal.
– Le site de Foxy Digitalis
– Le site de Digitalis Recordings
Remerciements à Brad Rose pour les photos.
A écouter :
The North Sea – “Guiwenneth Of The Green Grass” (Exquisit Idols-2007)
Ajilvsga – “Rose Pyramids” (The Harvest-2006)