Étonnant, parfois, comment la musique alternative peut s’approprier un genre pieux et le détourner vers des lieux expérimentaux saisissants. C’est le cas précisément des chants sacrés revisités par l’Américaine Julianna Barwick, dernière protégée du label new yorkais Asthmatic Kitty. Après avoir produit Shara Worden, le label de Sufjan Stevens démontre une fois encore son ascendance pour les voix imprégnées de « lyrisme ». Les deux chanteuses ont d’ailleurs suivi à peu près le même parcours : très jeunes, l’apprentissage commence au sein d’une chorale dans une congrégation, puis à l’université dans un chœur d’opéra. Ces expériences parfaitement ingurgitées, Julianna Barwick dicte son univers musical essentiellement autour de son chant cristallin, qu’elle échantillonne quasi à l’infini – à peine imprégné d’un piano ou d’une basse lointaine. Ses chœurs enchevêtrés sont ensuite traités, ou plutôt aspirés vers une spirale réverbérée tout à fait grandiose. L’atmosphère, à la fois éthérée et lo-fi, procure un sens baroque singulier à cette tradition liturgique, comme si Kevin Shields de My Bloody Valentine conduisait en chef d’orchestre une cathédrale sonore sibylline. À elle seule, Julianna Barwick se rapproche même des B.O. de Hans Zimmer composées en collaboration avec Lisa Gerrard, notamment pour La ligne rouge. Comparaison qui évoque aussi en conséquence une autre diva légendaire du label 4AD : Liz Fraser… En guise de conclusion contemplative, The Magic Place serait le nom d’un arbre majestueux situé dans une ferme où Julianna Barwick vivait gamine. La grâce et l’innocence qu’elle puise à travers ces racines, et ses étonnants chemins de traverse de confection, ont bel et bien un goût d’éternité.
Julianna Barwick – « The Magic Place » from Jacob Corbin on Vimeo.