Diamonds are forever.


Pour son nouvel album Diamond Mine, le barde écossais Kenny Anderson, plus connu – si tant est qu’il soit connu – sous le nom de King Creosote s’affiche en toutes lettres accompagné de Jon Hopkins. Musicien de l’ombre, Jon Hopkins s’est distingué entre autres sur les opus précédents d’Anderson, ou en tant que camarade de jeux électroniques de Brian Eno.
Cette collaboration affichée est révélatrice de la production du disque, enregistrement sur lequel King Creosote abandonne l’approche pop de ses chansons pour laisser libre-cours aux idées d’Hopkins qui livre une subtile ornementation dépouillée de superflu.

L’introduction du disque ouvre la porte d’une vieille brasserie typique, qui fleure bon l’Écosse profonde et l’accent du terroir. Les verres tintent en fond sonore et les conversations vont bon train lorsque le duo entre en scène. C’est pour mieux apprécier le silence qui s’ensuit.

Si la fragilité de la voix de Kenny Anderson est sa force de persuasion massive, elle ne s’est jamais autant approchée de celle de Robert Wyatt et surtout de Mark Hollis, lorsqu’elle s’élève au dessus de quelques accords d’une guitare en bois ou d’un sobre piano, envoûtante. D’ailleurs, ce jeu sur les silences et les suspensions rappelle, avec insistance, combien l’ex-leader de Talk Talk a pu maîtriser cet équilibre et peut-être tracer une voie pour d’autres voix.
Et King Creosote de nous raconter ces histoires du quotidien, d’Aberdeen sur “John Taylor’s Month Away” aux chauve-souris du grenier dans le magnifique “Bats in the attic”, alors que Lisa Lindley-Jones rejoint le duo pour apporter une deuxième voix féminine fort à-propos. Kenny Anderson accueille sa Kate Bush au timbre assuré, pendant féminin et tangible à l’homme fragile et fatigué qui revient sur “Bubble” pour créer cette intime conviction d’avoir déniché le filon de diamants.
Car cette mine regorge de trésors enfouis : six chansons pas plus, une demi-heure qui offre à l’heureux auditeur la sensation de posséder un objet rare et racé.

Kenny Anderson avait déjà prouvé par ailleurs la force de son talent lors de ses précédentes créations ou ses différentes participations – avoir comme parrain l’imparable maître du genre James Yorkston , ou comme compagnon de chambrée Malcolm Middleton, aurait dû depuis longtemps ouvrir les portes de la renommée à cet artisan de l’ombre.
Mais c’est à couvert et tapi au fond du trou, dénudé, que son art prend tout son sens : derrière, les discrets arrangements d’harmonium ou d’accordéons, d’imperceptibles beats électroniques et une guitare pour simple guide; devant, la voix frêle et sensible s’envole et révèle son intrinsèque substance.
Si l’Écosse regorge de talents de l’ère post-industrielle, c’est bien au fond de la mine qu’il faut aller dénicher son plus discret mais néanmoins génial joyau de songwriting, qui prend les tripes à pleines mains terreuses pour mieux les essorer et en faire monter les larmes aux yeux. King Creosote vous laisse comme abandonné face à la désolation du monde, mais plus tout à fait seul, puisqu’il est dorénavant devenu un inséparable compagnon de route.

King Creosote & Jon Hopkins – « Bats In The Attic » :