Régénéré après quatre ans d’absence, la formation rock caennaise enfonce le clou rouillé du rock angulaire sur d’innocentes harmonies pop. Contagieux.
Quatre ans, c’est très long, aussi bien dans la vie de chacun que pour celle d’un groupe. Ces années là n’auront pas été de tout repos pour le groupe caennais Kim Novak : après un premier album paru chez Talitres en 2007, puis un retour par la voie artisanale (le Glory EP autoproduit sorti en février dernier), c’est désormais le très fin label Clermontois Kütu Folk qui reprend le flambeau. Durant cette longue absence discographique, la formation emmenée par le chanteur/guitariste Jérémie a surtout connu quelques profonds remaniements de personnel, passant de trio à quatuor avec l’arrivée d’un bassiste et le remplacement du batteur (pour l’anecdote, une boite à rythmes à leur début).
Incidemment, la donne du groupe s’en est vue profondément modifiée, et leurs horizons musicaux considérablement élargis. Émancipé de son contingent « rock ténébreux » et des guitares spectaculaires de Luck & Accident (2007), Kim Novak aspire sur son second album à percer la grisaille post-punk par quelques fulgurantes éclaircies solaires. Ce qui impressionne en premier lieu à l’écoute de The Golden Mean, c’est que Kim Novak sait tout faire au contact d’une six-cordes électrique : du rock angulaire bien sûr, mais aussi de la power pop enivrante (« New York », leur hymne déclaration d’amour à la Grande Pomme), des ballades doo-wop (« Glory »), et même une incursion exotique (l’étonnant « Montego Bay ») et l’on en passe… On pense à Yo La Tengo pour l’érudition (plus dans l’esprit quand dans le son), cette capacité à s’accaparer les styles et y modeler sa personnalité propre. Le travail sur les six-cordes est pour chaque morceau une petite pièce d’orfèvrerie avec des arrangements tout en nuances, tantôt clairs, tantôt ouatés d’une reverb « vintage », ou encore vertigineux d’emphase tel un Explosions in the Sky sur les bravades rock tranchantes.
Le chant a acquis, de même, une assurance stupéfiante sur tous les nouveaux registres exploités. Comme sur « Falling Appart », qui démarre tel une croonerie crépusculaire façon Scott Walker puis décolle, tempétueuse, sous bonne escorte post-rock. Et « Merry Go Round », où les normands débarquent carrément sur les plages de la côte ouest californienne… C’est le monde à l’envers ! Les amateurs d’urgence post-punk auront aussi droit à un morceau d’anthologie : ce « Monsters » qui – passez nous l’expression – fait clairement la nique à Interpol, la voix de Jérémie étant troublante lorsqu’elle glisse sur le phrasé grave et solennel de Paul Banks. Ce pourrait être tout simplement le meilleur morceau du gang cravaté de New York depuis Antic. Autrefois étiqueté Interpol hexagonal, Kim Novak prouve de toute manière sur The Golden Mean qu’il a bien d’autres cartes à jouer.
Même si la qualité des compositions n’est aucunement à remettre en question, l’album, raccourci de deux ou trois morceaux, aurait peut-être encore gagné en efficacité. Mais le groupe avait certainement besoin d’évacuer ce trop plein d’énergie qu’il gardait depuis quatre ans. On ne va donc pas faire la fine-bouche, et digérer cet album lentement… Mention spéciale à la pochette de l’album, l’une des plus belles qui nous ait été donné de voir cette année.
Kim Novak – « Love Affair » (directed by Thomas Aufort)