Étrange plante tropicale dans le jardin rock americana, le trio de Montréal resserre sa formule à grand coups de guitares ferventes et de boiseries intimistes. Il est grand temps pour eux de récolter la gloire.


La fin de quoi ? Pour nous, assurément la fin de l’attente, tellement nous trépignions d’impatience d’entendre le troisième opus de cet iconoclaste trio Montréalais. En 2010, l’inusable La La Land, nous avait fait grande impression avec son détonant cocktail d’americana exotique. Et d’imposer Plants & Animals comme une affaire très sérieuse. Porté par le poumon sans peur Warren C. Spicer (chant, guitare, piano) et ses acolytes Nicolas Basque (basse, guitares, piano) et Matthew Woodman Woodley (batterie), nos rockers québécois apportaient un zeste de folie et d’extravagance à leur folk/rock cathartique, tout en préservant l’essence même de leur configuration trio, la connivence explosive.

En ces temps gris pour le rock pastoral US et les derniers albums ronronnant d’ Okkervil River et My Morning Jacket, il est bon de croire en Plants & Animals, formation qui nous fait l’insigne honneur de persévérer dans l’excellence. Tout comme son prédécesseur, les onze nouvelles compositions ont été enregistrées à Montréal et en banlieue parisienne, au studio La Frette sur Seine. Mais nous serions bien en peine de distinguer quels sont les titres imbibés du vieux continent de ceux créés outre atlantique… Ces lieux semblent, de toutes manière, avoir peu d’incidence sur l’identité du disque, intégralement tourné vers une profonde nostalgie, celle des idiomes culturels du Nouveau Continent.

The end of that n’est pas exactement la suite de l’extravagant La La Land auquel on pouvait s’attendre. La belle plante avait besoin de changer de pot, tout en gardant ses racines bien arrosées dans son fidèle terroir canadien (celui de Neil Young, Arcade Fire…). Moins épars, The end of That entend recentrer ses priorités, là où La La Land cherchait plutôt l’éclectisme sur le plan des arrangements (son abondance de claviers, cloches, saxophone…) mais s’avérait certainement difficile à retranscrire sur scène. Lesté donc de ses phosphorescences, The End of That est un disque brut dans sa forme, taillé pour la scène, rugissant d’électricité, et tempéré de folksongs désertées. Un disque qui assume complètement son côté « classique americana » et dont d’ailleurs la typographie de la couverture rappelle quelque part celle du monument Harvest du Loner.

« Avant, il n’y avait rien… », c’est le message que semblent nous délivrer les arpèges boisés crépusculaires de « Before », qui ouvrent l’album, et nous font l’effet d’entrer dans un sas purificateur qui nous laverait de la violence du monde moderne. Puis le feu (ou plutôt la fée électrique) prend peu à peu sur les titres suivant… Si le trio a peut-être un peu perdu en chemin de son originalité (ce qui reste encore à prouver), sa verve s’en voit au contraire amplifiée, voire magnifiée sur les pièces épiques et survoltées « Lightshow », « Song for Love » ou encore le brûlant « 2010 » qui n’hésitent pas à distribuer une spectaculaire déferlante de riffs gras et saignants.
Il y a dans ce trio un sens intelligemment bien mené du crescendo, de la montée en charge du couplet conduisant tout droit à l’état de grâce. Jamais de poses embarrassantes, mais un charisme naturel qui prend aux tripes, habité et flamboyant. Cet équilibre délicat, Plants & Animals sait le maintenir comme peu d’autres groupes ont su le faire… à l’instar des deux premiers albums de Band Of Horses, ou en regardant quelques années en arrière, Grant Lee Buffalo (un autre trio qui savait être imprévisible et faire dériver le rock vers des horizons nouveaux). Plants & Animals ne cesse de grandir, et donne envie de les suivre partout où ils iront. Le dénouement de The End of That ne peut être qu’heureux.

En écoute : Plants and Animals – « Lightshow »