Froideur, bruit, et violence au programme du nouvel album des new-yorkais d’A Place To Bury Strangers. Worship affiche le même ADN sonique que les deux opus précédents, mais révèle de nouvelles ambitions pop.


Fondé à Brooklyn au début des années 2000, A Place to Bury Strangers s’est taillé cette drôle de réputation de groupe le plus bruyant de New York. Loin d’en être le pilier, le groupe d’Oliver Ackermann poursuit fort dignement la tradition bruitiste de la mégapole. A l’instar de nombreuses formations locales récentes, APTBS affiche un net penchant pour le vacarme anglais des années 80’s-90’s incarné par The Jesus and Mary Chain et My Blood Valentine. En 2012, aucun enterrement au programme pour les new-yorkais puisqu’après un premier album éponyme en 2007 et le surpuissant Exploding Head en 2009, paraît l’attendu troisième opus. Précédé d’une série de EP dont le passionnant Onwards to the wall, Worship est fait du même sang que les oeuvres passées tout en affichant de nouvelles orientations.

Fidèle à son habitude, APTBS lance son rouleau compresseur sonique dès l’inaugural « Alone » et le tourmenté « Mind control » : rythmique tendue, basse vrombissante, saillies bruitistes, et chant caverneux. Mais les titres se brisent net pour laisser place à une série de morceaux plus lents et lisibles, tels « You are the one », « Fear » ou encore « Dissolved ». Ackermann y devise avec angoisse sur notre monde urbain oppressant, et l’aliénation des âmes qui en découle. Une inquiétude qui se manifeste par un univers sonore tourmenté, une esthétique froide et anguleuse à la manière des anciens travaux de The Cure et New Order (« Slide »).

Sur cette base, APTBS ne cesse d’imprimer sa marque de fabrique, au propre comme au figuré. Les effets sonores inventés – et commercialisés – par Ackermann abondent en tous sens. Les fréquences extrêmes s’entrechoquent ; échos, larsens et déflagrations pervertissent chaque ligne droite et brutalisent nos tympans hagards. Parfois jusqu’à la catharsis comme dans le détraqué « Revenge ». Mais aussi jusqu’à la noyade sonique indigeste (« Why I can’t cry anymore », « Leaving tomorrow »).

Les nouvelles orientations des New Yorkais se manifestent progressivement. Davantage que par le passé, danse et mélodie s’invitent avec insistance. On est ainsi séduit par un « Worship » mieux écrit et plus efficace. On frôle la pure pop sur le mélancolique « Dissolved » – belle idée que cette deuxième partie inattendue – et on y est carrément avec l’entêtant « And i’m up ». Le chant trouve alors sa bonne place dans le mix et les échappés soniques, mieux maitrisées, font bien plus sens.

Sur ce troisième opus à moitié réussi, APTBS continue d’interroger ses maîtres anglais pour livrer un nouveau traité de violence et d’aliénation contemporaine. Le groupe de Brooklyn y fait preuve d’un louable effort de renouvellement, vers ce qui ressemble de plus en plus à des chansons. Mais reste desservi par ses obsessions esthétiques et sonores asphyxiant encore trop l’émotion.