Inaccessible sommet.
Everest, le dernier album de Girls in Hawaii est l’album de l’évidence. Lisible. Trop lisible peut-être. Il aura fallu la tragédie pour reconstruire, reformer, renaître (« The Spring »). L’Everest est une montagne inaccessible au commun des mortels, un sommet beaucoup trop élevé, une barrière infranchissable. Alors au bord de la rupture, le groupe, et ses quelques remaniements, relève la tête mais n’apercevra jamais plus l’horizon, plus jamais aucun ciel dégagé. L’Everest représente donc presque trop naïvement une montagne impossible, criante métaphore, et pourtant.
Si les voix semblent sous-mixées, trafiquées, elles sonnent aussi bizarrement si naturelles et brisées par l’émotion; quant à la musique, elle commence comme un murmure puis s’amplifie, du déni (« I’m Not Dead ») à la colère. De l’incompréhension à l’acceptation (« We Are The Living »); c’est un dur chemin, un difficile travail sur soi et à plusieurs sur la ténue fragilité de la vie.
Bien sûr, la formule musicale pré-existait dans les deux albums précédents, un indéniable savoir-faire des chansons de mélodies évidentes, leurs montées en puissance et leurs éclats. S’inscrit dorénavant une noirceur alors latente, maintenant éternelle : la présence parfois d’une boîte à rythmes complémentaire pour dire le manque, les plaintes, l’apaisement résigné, un support mécanique comme une béquille.
L’album est donc hanté par la disparition d’un frère, d’un ami, un complice, un collègue, figurant pourtant un message de triste espoir, le témoignage de la volonté retrouvée malgré l’obstacle insurmontable, l’image d’un Sisyphe des temps modernes, incisif et si fragile en même temps, l’illustration des nouveaux combats à mener (« Wars »).
Et le groupe belge d’accoucher dans la douleur d’un disque tristement naïf et naturel, empreint pourtant d’une profondeur abyssale.