Trio lyonnais façonnant un rock francophone tourmenté, bluesy et aérien, L’Ombre du 8 publie Au-Delà Sont Les Récifs, un premier effort hautement recommandable.


L’Ombre du 8 façonne depuis 2008 un rock francophone trempé dans la fièvre et la mélancolie. Le trio lyonnais publie ces jours-ci son premier album, après une série de formats courts à l’identité déjà très marquée. Au-Delà Sont Les Récifs offre douze compositions sinueuses, charpentées par une batterie agile et deux guitares ombrageuses, et incarnées par un chant en français anxieux et poétique.
Dès l’inaugural morceau éponyme, riffs lancinants et mélopées aériennes transportent par leur dimension panoramique, puis chauffent les veines à coup de grondantes explosions. Arpèges amers et basses profondes portent les douloureux « La Pesanteur » et « Le Désert », tandis qu’une langueur ascensionnelle illumine « Oriental express ». Sans être post ni progressif, le rock de L’Ombre du 8 s’aventure sur des pistes mouvantes, se pique de signatures rythmiques ou de tangentes inédites, à l’image de l’épique et lancinant « Transatlantique ». Deux pauses instrumentales font pivoter le disque vers « Un nouveau départ » et des expressions plus frontales (« Mon meilleur ennemi », « Montréal »).
Si un ou deux morceaux paraissent de trop, l’ensemble du disque présente une belle cohérence sonore et thématique. Méditant sur les transports physiques, sensitifs ou mentaux, tout en laissant des possibilités d’interprétation à l’auditeur, le chanteur Loïc Yvars cisèle un verbe précis et limpide. Son chant expressif frôle parfois le slam (« Elle est l’ombre »), souvent déborde vers le cri mélodramatique (« La pesanteur », « L’Orage »). Comme il est de tradition dans la chanson et le rock français, la voix est largement mise en avant dans le mix, tendant à étouffer par moments la magie de la musique. Mais Au-Delà Sont Les Récifs reste un premier disque sincère, aussi dense qu’envoûtant. Au milieu des fantômes de Bashung et de 16 Horsepower – voire du prog metal de Tool ou du rock possédé de Woven HandL’Ombre du 8 creuse un sillon des plus personnels, tourmenté, bluesy et aérien. Hautement recommandable.

L’Ombre du 8 – Au-delà sont les récifs