Le collectif rennais signe un second album de post-rock propice au vertige émotionnel, spectaculaire et radieux.


Il est désormais acquis que c’est en Bretagne que s’agite les plus fins ambassadeurs du post-rock hexagonal. Mermonte, collectif rennais avec à sa tête le multi-instrumentiste Ghislain Fracapane, confirme tous les espoirs portés en eux depuis leur premier album éponyme paru chez Hiphiphip records / Les Disques Normal. En effet depuis l’illustre gardien du Phare, le Finistérien Yann Tiersen, on n’avait pas entendu vers la pointe de l’Ouest une musique instrumentale si disposée à nous faire chavirer. Vainqueurs du concours Les Inrocks Lab 2012 ainsi que du tremplin des Jeunes Charrues, le sextet rennais signait dans la foulée un petit disque grouillant de charme, où leurs jolies symphonies de poche convolaient avec la musique répétitive de Steve Reich, l’avant-gardisme de Tortoise et l’école folk-prog de Canterbury (Soft Machine, Caravan). Outre ses moments de quiétude, Mermonte était capable de se fendre de poussées électriques prenant tout le monde par surprise (le bien nommé « Oups »). Cette voie-là ne demandait qu’à être exploré davantage. Aussi, nous guettions depuis fébrilement la suite.

C’est peu dire qu’Audiorama fait franchir un cap au collectif rennais : plus fort, plus électrique, plus expérimenté et audacieux, ce second album est une réussite sur bien des plans. Il faut dire qu’entretemps, le collectif s’est agrandit au fil des concerts et compte désormais onze musiciens, contribuant de ce fait a considérablement élargir sa palette sonore. Les guitares acoustiques et le xylophone solitaire des débuts sont rejoints par une kyrielle de nouveaux instruments : mellotron, vibraphone, instruments à vent (clarinettes, flûtes), cordes, saxophone, trompette… un tourbillon d’arrangements méticuleux. Forcément, la section rythmique est obligée de suivre et s’affirme pour supporter cette fanfare hors-norme, comme si Mermonte s’était doté d’un moteur lui offrant d’élargir et accélérer ses mouvements.

Autre aspect qui intrigue avant même de poser le disque sur la platine (oui, comme à l’ancienne), c’est le choix porté sur les titres des compositions : toutes portent les noms d’amis proches de Ghislain Fracapane, qui l’ont influencé, que ce soit en musique ou dans d’autres aspects de l’existence. Si aucun de ces noms ne participe toutefois à l’expérience studio, ces hommages intimes montrent à quel point Audiorama est une somme de rencontres aux horizons variés qui nourrissent cet étonnant ensemble – au sein même de la formation, les musiciens viennent du death metal, de la musique classique, ou du gospel. Mermonte est une musique principalement instrumentale, tantôt chatoyante et contemplative, tant frénétique et déterminée, mais il arrive aussi que des chÅ“urs s’invitent, chantés soit en français (sur « Fanny Giroud », ou le supersonique « Cécile Arendarsky ») soit en anglais. La porte reste ouverte à tous les possibles.

Avec l’aide précieuse du guitariste Julien Lemonnier (également derrière la console et au mixage), Ghislain Fracapane élabore des frises mélodiques renversantes qui pourraient renvoyer à leurs gammes bien d’autres formations considérée de premier plan (la fantastique course éperdue « Karel Fracapane »). Des mélodies aux progressions complexes (certaines pourraient être qualifiées de math rock) gardant en toute circonstance fluidité et sensibilité, grâce et lumière. Il suffit d’écouter la tornade électrique « Cédric Achenza », sommet précipité du disque, où des instruments à vents rêveurs contrastent avec une section rock rythmique très remontée. L’intensité ici se mesure à l’échelle des institutions GYBE ! et Explosions in the sky. Ni plus, ni moins. On vous le disait au tout début, Mermonte fait figure désormais de fierté hexagonale.