Troisième opus pas très concluant pour le trio math rock de l’écurie Warp. Plus intéressant que passionnant à vrai dire.
Des nouvelles du front chez Warp. L’engouement suscité cet été par l’annonce d’un troisième album de Battles, démontre combien une armée de fans compte sur le trio new yorkais pour faire un peu bouger les lignes du rock. Il faut dire qu’après avoir résolu deux équations rythmiques bien prises de tête – le dédale tribal Mirrored (2007) et la pop glacée de Gloss Drop (2011) -, chaque fois suivi de longues tournées mondiales à faire jeter l’éponge à un marathonien, le groupe de rock vedette du label Warp a amplement mérité ses galons dans le milieu.
Ce troisième opus aurait pu voir la stupéfiante triplette Dave Konopka (basse, guitare, effets), John Stanier (batterie) et Ian Williams (guitare, claviers) se contenter de suivre la bonne marche empruntée sur Gloss Drop, en collaborant notamment avec des voix externes (Gary Numan, Kazu Makino , Matias Aguayo…). Fausse piste, les douze compositions de La Di Da Di sont entièrement instrumentales et entendent recentrer le propos autour de ses trois forces vives. Sur Gloss Drop, le groupe de l’ex Helmet John Stanier avait démontré qu’il pouvait très bien se débrouiller sans le démissionnaire Tyondai Braxton, fort d’un disque plus mélodieux et (quasi) dansant. Mais ce fut au prix d’un effort douloureux, avec des sessions d’enregistrements interminables étalées sur un an et demi. La méthode de travail a depuis été remise en question : La Di Da Di découle d’une volonté de nos trois techniciens de sonner plus spontané, mais aussi d’acquérir davantage de liberté sur le plan scénique (le problème des voix enregistrées s’étant posé sur Gloss Drop).
Malgré toutes ces bonnes intentions, La Di Da Di laisse poindre pour la première fois un pas en arrière pour Battles. A l’image de la pochette de l’album, le plat que l’on nous sert donne l’impression d’un mélange copieux de saveurs pour un résultat au mieux rafraîchissant, au pire lourd voire indigeste. A force de vouloir innover et repousser les limites du genre math rock, Battles donne parfois le sentiment confus de s’être égaré dans le labyrinthe qu’il s’est construit autour de lui. Un point déjà ressentie lors de leur passage en juin dernier à la Villette Sonique, les nouveaux morceaux manquaient de repères voire de direction. Battles a beau avoir une forte identité sonore, on ne sait plus trop où nos laborantins veulent en venir dans leur structures et autres progressions pas franchement concluantes qui nous renvoient à leurs deux premiers EPs cérébraux. Ce retour aux sources donne plutôt le sentiment de recul artistique.
Au milieu de ces neuf titres ponctués d’interludes dispensables, on peine à trouver des titres forts de l’envergure d’ »Atlas » et « Tonto » sur Mirrored ou encore « Ice Cream » et « My Machines » sur Gloss Drop. Il y a bien quelques bonne poussées de fièvre – « The Yabba », « Non Violence » et son groove synthétique à la Herbie Hancock – hélas trop courtes, ou bien des idées prometteuses qui au finale ne sont pas pleinement exploités – l’enlevé « FF Bada », teinté d’afro-beat et « Summer Simmer ». Le vedette du trio, John Stanier, l’homme à la crash haut-perché, avec son jeu aussi phénoménal soit-il, a du mal à faire décoller les morceaux, même en optant pour un tempo plus « dansant ». Comme si, par peur d’être trop prévisible, le trio voulait éviter systématiquement tout schéma un tant soit peu consensuel, sans pour autant trouver une voie de sortie.
Toutefois, on sauvera du lot « Dot Com » et son groove geek aussi retro et pixelisé qu’une d’une partie de Shinobi sur console Megadrive, ou encore « Tricentiennal » et ses relents tribaux façon « Tonto ». Mais on le répète, aucun plat de résistance ne s’impose au menu de La Da Di Da. Et c’est bien dommage, car Battles continue d’être intéressant, simplement il ne nous emporte pas avec lui. Du moins cette fois. Car on aime à penser que Battles vient de perdre une bataille, mais pas encore la guerre.