Il y a dans l’ADN des mancuniens de Money une certaine idée du mélodrame. Une tradition locale entretenue depuis Joy Division, les Smiths, ou encore Wu Lyf.


Il y a dans l’ADN des mancuniens de Money une certaine idée du mélodrame. Une tradition locale entretenue depuis Joy Division, les Smiths, ou encore Wu Lyf. Une noirceure viscérale, certes à la frontière du lyrisme, et en même temps une capacité singulière à s’en détacher avec une aisance tout aussi désarmante, dans un équilibre perpétuel jonglant constamment entre intensité et autodérision. Digne héritière, la formation Money emmenée par Jamie Lee excelle dans cet art succinct, quitte à entretenir savamment le malentendu. La pochette et le titre de ce second album, ne pourraient être plus explicite dans son contenu mortuaire : cette arme blanche pointée (plantée?) sur le front du chanteur Jamie Lee est là pour faire son effet, un peu comme la surenchère de sang dans un film de Tarantino. On sait que l’effet est délibérément amplifié, exagéré. A l’auditeur de faire la part des choses. Dans tous les cas, cette pop ultra-pessimiste cultive sa différence, s’adresse à un public pop averti. On écoute ainsi Money avec cette impression de faire parti d’un club restreint d’initiés, comme du temps des premiers albums des Smiths, et cette perspective rare nous enchante. Le premier album, The Shadow of Heaven (2013) était déjà le reflet d’une identité forte, même si on ne retrouvait pas tout à fait l’intensité – trop de déprime au piano ? – de leurs grandioses premiers morceaux diffusés librement sur Youtube. Sur Suicide Songs, la confiance et l’ambition redoublent d’audace. Les compositions ont acquises une dimension supérieure, étoffées notamment d’’arrangements de cordes plus sophistiqués, mais aussi une maîtrise accrue de la dimension dramatique – notamment un majestueux « Hopeless World » nappé de violons au phrasé arabisant, la vibrante errance folk « I’ll Be The Night », et un « I’m not Here » au bord du précipice, mais dont la belle mélodie pourtant donne des ailes. Car aussi sombres soient-elles, ces chansons suicidaires donnent envie de respirer. C’est là le tour de force de que réussit Money.