Ce faux-groupe de Los Angeles nous déroule le tapis rouge : production énorme, compositions révérencieuses sans aucune faute de goût, on est dans nos souliers. Un disque de rêve, dans tous les sens du terme.


Des albums comme celui-là, sortis de nulle part, on aimerait en entendre plus souvent. Le truc est tellement énorme qu’on sentirait presque le coup fourré. Premier détail, ce premier album est signé chez Capitol inc corp, d’entrée de jeu. Par ces temps -de pénurie économique- qui courent, le détail est assez troublant.

Ensuite, les notes de crédits aux allures de sommet du G8 ! Car en matière de requin de studio, ce disque compte tout ce qui se fait de mieux en matière de pianistes : le magicien Billy Preston (Beatles, Rolling Stones…), Jon Brion (producteur de Fiona Apple, Aimee Mann), Patrick Warren (Fiona Apple, Red Hot Chili Peppers, toujours Aimee Mann) et Kim Bullar (Nine Inch Nails, Roch Voisine (((si si !))). La section rythmique aussi n’est pas en reste, avec Jim Keltner illustre collaborateur de Costello, Dylan et les trois quarts des Beatles en solo… Avec une telle armada de fins mélodistes, on serait presque étonné d’apprendre que ce disque soit médiocre, ce qui n’est pas le cas bien sûr.

On n’est plus étonné, par contre, de savoir comment une telle masse de gens respectables se soient retrouvés dans le même studio pour mettre en lumière les compositions d’un inconnu, Evan Slamka en l’occurrence… Et oui, tout ce beau monde rien que pour un p’tit gars du New Jersey qui a fait ses classes dans les clubs obscurs de New York avant d’émigrer vers la côte ouest de Los Angeles avec son compère Chris Tristram (basse). Avouez qu’il y a de quoi se poser des questions, non ? On se dit que soit le bonhomme a le cul bordé de nouilles, soit il possède vraiment quelque chose d’exceptionnel.

Et même si on se dit que les dés sont pipés d’avance, quelle joie que d’entendre ses compositions honnêtes – qui soyons honnête, n’atteindrait pas la même magnitude vêtues de leur simple appareil – se manifier grâce à ce consortium de mains habiles. Un peu comme lorsqu’il nous arrivait de suivre à la trace les manigances d’un Jimmy Webb ou d’un Jack Nitzcshe sur des albums mineurs, sachant qu’il reste toujours une étincelle de génie.

A l’origine duo, Marjorie Fair, s’est donc adjoint après les sessions de Josh (guitare et claviers) et Chris R. (batterie), ce qui laisserait entendre que le projet s’est transformé en véritable groupe. La galette en elle-même est une sorte de disque fantasmagorique, réunissant le meilleur des deux mondes : compositions pop impeccables et sophistication spectorienne. Cette enivrante sérénade nous rappelle au bon souvenir du Sophtware Slump des grandpappy, et de toutes ses Chansons de déserteurs, ces rêves de mercure si précieux à nos yeux. Bref tous ses albums qui ont une vision en cinémascope de ce que devrait être une pop song.

Pour atteindre un tel niveau d’excellence, c’est le metteur en son Rob Schnapf qui s’y est collé, responsable par le passé de quelques chef-d’oeuvres aux côtés d’Elliott Smith et Beck. On savait aussi l’homme capable de miracles, notamment faire sonner potable un groupe affreux, comme The Vines en l’occurrence.

Les onze chansons exploitent au maximum les ficelles des classiques de la pop «ambitieuse » . A chaque détour d’une nouvelle chanson, on est encerclé par des choeurs et des orchestrations à la Sgt Pepper, une vraie leçon de songwriting pop : « Please don’t » avec ses parties de mellotron, réveillent le fantôme d’ « Eleanor Rigby » et « She’s leaving home ». Laissez-vous guider par « Stand in the World », véritable tourbillon de sentiments purs et majestueux, le chant d’Evan Slamka rappelant souvent notre regretté Elliot Smith.

Les références au rêve et au voyage sont omniprésentes (le séduisant single « Stare »), et il faut dire que le véhicule qui nous y transporte est une Rolls Royce. Tout ici est trop beau, trop riche, trop pur, c’est peut-être d’ailleurs le seul défaut de ce disque.

Pour le reste, c’est du 24 carats.

-Le site officiel de Marjorie Fair