Le jeune prodige anglais confirme tout le bien que l’on pensait de lui à l’occasion de sa première plaque. C’est un peu la facette black de The Streets : du poetry rap urbain de très haute facture.
Dizzee Rascal est jeune, très jeune même. Mais il a un tel don qu’il est voué à un avenir prometteur, et ce dans le milieu du rap briton. Ce dernier se différencie largement de celui d’outre-Atlantique, ne serait-ce déjà que musicalement. Alors que l’américain va chercher son inspiration musicale dans la disco, la soul, le r&b, voire dans le rock et le hard rock, le rap anglais, lui, évolue dans la techno et ses dérivés principalement. Les grands noms du rap anglais ont accouché et influencé des groupes comme les Stereo Mc’s, ou, plus contemporains encore, The Streets ou encore les Audio Bullys.
Fort d’un premier album, Boy in Da Corner, très remarqué et apprécié par la presse musicale et par ses pairs (dont The Streets, ce qui n’est guère étonnant vu leur similarité rap urbain), et primé en outre par le fameux Mercury prize (qu’ont remporté avant lui des artistes comme Badly Drawn Boy, Gomez ou Franz Ferdinand – des artistes alternatifs donc – ), ce n’est qu’un an après que sort son nouvel opus, Showtime. Cet album marche sur les mêmes plates-bandes que le premier, à savoir une drum & bass très austère, et très minimaliste aussi. On est dans des sons assez angoissants, des rythmes binaires qui ont l’apparence de la simplicité, caressés par des touches de synthé froides. Et c’est sur cette trame que Dizzee crache son venin, haché menu, comme autant de balles d’une mitraillette déchaînée. Le titre éponyme se termine par un crachat féroce : « Showtime », et c’est à ces furibards d’Ol’ Dirty Bastard et de Busta Rhymes que l’on pense. La même rapidité pour déverser les paroles, le même talent pour faire du son avec des paroles sur le ton de l’agressivité.
Les premières écoutes sont ardues. Il faut démêler pas mal de lianes que pose là le jeune homme, et la complexité apparente du tout n’a d’égal que la simplicité des ustensiles utilisés : effarant. Petit à petit, on se prend au jeu, cette basse prenant corps sur nous comme des frappes sado-maso que l’on apprécierait après coup(s). (…) La musique obéit ici à l’ordinateur : les rythmes qui accompagnent Dizzee sont basiques, binaires. En parlant de basse, on est quelque peu déçu qu’elle ne soit pas encore plus présente. On a aussi droit (comme sur « Graftin' ») à du scratch sale, baigné dans des nappes nauséabondes de film gore. Il sait comment installer une ambiance le Dizzee!
Des chinoiseries, comme sur « Learn » ou « Get by », viennent épicer le propos et l’impression qu’on vit dans un monde complexe. Ce même procédé est déjà utilisé par un autre anglais surdoué : Roots Manuva. Bizarre. Le China Town de Londres peut-être?
La drum & bass fait véritablement irruption dans la deuxième moitié de l’album : les verres et autres bibelots tremblotent de tous côtés. Vous pouvez même aller jusqu’à poser une verre d’eau (ou tout autre breuvage) sur une des enceintes pour y voir l’effet de la musique sur le liquide : ça vibre. Les voix féminines également, et c’est à partir d’ici que l’on flaire l’un ou l’autre titre calibré comme un hit. « Dream », qui est en fait une reprise de « Happy talk » de Captain Sensible, brille par sa singularité sur cette plaque : un refrain qui fait tilt. « Imagine » est quant à lui le seul titre léger. En fait, tout ceci enfonce le clou de Boy in da corner, en y injectant encore plus de professionnalisme.
C’est un disque long. C’est un disque bon.
Le site de Dizzee Rascal