Throwing Muses sont de retour sous sa formation emblématique. Kristin Hersh et Tanya Donelly, enfin réconciliées, délivrent des mélodies que l’on croyait enfoui dans notre esprit pour toujours. Un vieux copain revient nous passer le bonjour…


Parler des Throwing Muses, c’est bien évidemment évoquer le temps où 4AD faisait la pluie et le beau temps sur l’univers indie rock durant la seconde moitié des années 80.
En ce temps là, la petite infrastructure anglaise était propriétaire d’un catalogue hors du commun : le meilleur groupe de rock du monde (le traumatisme Pixies), la plus belle voix du rock (la sirène Liz Fraser), les meilleurs indie-bands féminins (Breeders et Throwing Muses, Cocteaux Twins encore…) et les plus belles pochettes (la patte d’Oliver Vaughan).

4AD a contribué à éduquer toute une génération de blanc-becs (dont je fis parti) à la recherche de nouvelles formations où l’ambition pop pouvait cohabiter avec un état d’esprit non mercantile. Rien que ça, oui. Aujourd’hui, le prestigieux label se contente, en grande partie, de vivre de ses rentes en publiant des compilations de ses groupes phares, histoire de rappeler son héritage. Dommage.

Les Throwing Muses nous sont restés dans les mémoires avec quelques faits d’armes hautement symbolique à la fin des années 80 et un chef d’oeuvre : The Real Ramona. L’archétype même de l’album rock indépendant. Un vieil ami qui suffit à nous faire sourire bêtement, rien qu’en pensant aux bons moments que nous avons passé avec lui. Un album avec ses petits défauts et surtout ses éclaires de génie. Le groupe de Kristin Hersh n’a jamais sorti d’albums parfaits, mais c’était bien pour cela que nous l’aimions. C’était avant tout un groupe humain, avec ses qualités et ses défauts qui, contrairement à l’atmosphère ambiante, ne cherchaient pas à faire la nique à U2. Un groupe intègre en somme.

Que faut-il attendre de ce groupe majeur dont on a pu assister, médusé, à sa lente décomposition au fil de la décennie précédente? Dès le départ de la demi-soeur Tania Donelly après The Real Ramona en 1991 (partie fonder les sympathiques Belly), on savait que les choses ne seraient plus pareils. Le reste de l’histoire, on l’a connaît : des albums de plus en plus inégaux jusqu’au vilain Limbo, que Kristin Hersh considère d’ailleurs toujours comme le meilleur album du groupe(?!). Le despotisme de Kristin Hersh y était certainement pour beaucoup dans cette fin en queue de poisson. La flamme créatrice de Miss Hersh s’étalait parallèlement sur une carrière solo respectée, mais sans plus (on retiendra le premier album Hips and Makers). Son sixième album solo The Grotto paraît d’ailleurs le même jour que celui des Muses.

Vingt ans après ses débuts, le quatuor fait table rase du passé et livre un album éponyme, signe d’un nouveau départ. Une démarche symbolique aussi par son retour sur le label d’adoption 4AD – Limbo étant sorti sur leur propre infrastructure Throwing Music. Mais évidemment, la nouvelle qui éclipse toutes ces bonnes intentions, c’est le retour de Tanya Donelly, l’illustre petite soeur cachée dans l’ombre, pourtant capable de donner un relief inespéré aux chansons de son aînée. Et la magie opère de nouveau.

Ce nouvel album reprend les choses là où le groupe les avait laissées en 1991. Un retour assez étonnant où même l’inspiration semble avoir renouée sans effort apparent, et ceux malgré la baisse de régime significative énoncée plus haut. La production assez brute (l’album a été enregistré en trois semaines, sans rajouts) nous coince dans l’espace temps. On croirait écouter un album du groupe jamais paru, perdu en pleine période charnière (1989/1991). « Pretty Or Not », « Pandora’s Box », « Half Blast »… ces nouveaux hymnes viennent poser la dernière pierre confirmant notre opinion que cette reformation tient le bon bout.

On pourrait reprocher au groupe de ne pas avoir trop écouté ce qui se faisait actuellement en terme de production. On pourrait aussi reprocher que l’album n’est pas parfait non plus. Mais ce serait alors dénigré ce que l’on a tant aimé dans ce groupe « humain », et puis les quelques perles disséminées sur ce nouvel ouvrage nous font vite oublier ces légères pertes de régime. Un groupe hors du temps qui compte toujours.