En provenance de Manchester, signé sur le label Factory et produit par Martin Hannet, The Return Of The Durutti Column, premier album de Viny Reilly alias The Durutti Column avait tout pour casser la baraque. Quelques décennies plus tard, on n’a pas encore fait complètement le tour de cet album à la mélancolie pénétrante, tant il a influencé tout un pan de la musique anglaise des années 1980-90.

En 1978 à Manchester, une maison de disque spécialisée dans le rock atypique voit le jour grâce à un certain Tony Wilson. Le label balbutiant sera le refuge de bon nombre de groupes à l’écriture tourmentée et permettra au jeune Vini Reilly, alors en pleine dépression, d’échapper de peu à l’hôpital psychiatrique. Ce féru de musique pop, guitariste doué pour la composition mélodique sort de cette crise grâce à l’opportunité d’enregistrer dans un studio ses propres chansons pour le label Factory. Faisant d’une pierre deux coups, il se détacher de ses débuts punk avec Ed Banger & The Nosebleeds. Toutefois, l’écriture de Reilly ne se détachera pas si facilement de ses troubles émotionnels (son père meurt alors qu’il n’a que 17 ans) qui le rongent depuis l’adolescence. Soutenu par son ami Tony Wilson, le nom de The Durutti Column sera choisi en référence aux situationnistes et plus particulièrement à l’anarchiste espagnol Buenaventura Durruti.

Avec The Return Of The Durutti Column, Reilly compose son chef d’œuvre et n’arrivera jamais à égaler la puissance de ces compositions par la suite. Loin de la fougue criarde du mouvement punk, cette musique évoque des climats envoûtants, planants dont la tristesse et la colère retenue porte les stigmates de la vie à Manchester aux débuts des années 1980.
Cet album pourtant instrumental est dans la droite lignée des disques sombres de l’époque qui touchent de plein fouet la désolation Tatcherienne qui s’abat sur l’Angleterre.


Hypnotique et caverneux, les compositions n’ont pas besoin de voix pour emmener l’auditeur en apesanteur. Produit par Martin Hannet, qui quelques années plus tard sera indissociable du son Joy Division, les arpèges ondulants de la guitare acoustique espagnole de Reilly s’enlacent pour le mieux du monde avec les séquenceurs ombragés, rappellant par moments le côté ambiant qu’on retrouve chez Eno ou David Sylvian.

Entre les sonorités classiques et les rythmes saturés voir agressifs, les chansons de The Durutti Column trouvent un écho particulier à la vie de Vini Reilly. De ce mélange d’effets électroniques et de sons acoustiques aboutiront des compositions aussi poignantes que troublantes comme « Requiem For A Father », écrit pour son père, « Sketch For Winter » ou encore « Conduct ».

De ces entrelacs de guitares réverbérées se créé une pop classieuse et raffinée portée par la mélancolie qui ornent des chansons comme « Katharine » ou « Collette ». Un son cristallin suffit à faire oublier la place vacante du chant, cette voix d’ailleurs peu aimée par l’auteur lui-même, tout comme la plupart de ses compositions qu’il n’hésitait pas à dénigrer après de violentes crises d’épilepsie. Homme discret, secret, voire introverti, notre fin limier de la six-corde se mettait en danger et d’une certaine manière communiquait à sa façon avec le monde extérieur au travers de ses œuvres. Un propos il est vrai peu amène au dialogue.

The Return Of The Durutti Column a trop souvent été jugé comme une musique pour neurasthéniques, pourtant il faut voir dans cet album nourri d’influences classiques une porte ouverte à la musique ambiante, au shoegazing, à la coldwave, toute une richesse musicale qui sera abondamment pillée quelques années plus tard par une Angleterre peut reconnaissante. L’espace d’un album en 1988 pour Morrissey, Viva hate, Vini Reilly rencontra un écho médiatique, qui une fois passé l’oubliera très vite.

Entre désillusions et vie solitaire, les chansons gravées sur The Return Of The Durutti Column sont de ce fait sombres, tristes, ne laissant que peu de place à la lumière. Même si pour ses raisons, nous ne nous sommes que peu aventurés sur les terres de The Durutti Column, cet album de 1979, peut-être le meilleur disque de sa carrière, reste passionnant et accessible, loin de la névrose qu’on veut lui concéder.
Dans le top ten de nos beautiful losers préférés, Vini Reilly garde bien son rang, confiant en sa postérité et influences.

Tracklisting :
1. Sketch For Summer
2. Requiem For A Father
3. Katharine
4. Conduct
5. Beginning
6. Jazz
7. Sketch For Winter
8. Collette
9. In « D »
10. Sketch For Winter [mix]