La belle Jessica Bailiff et le bon David Pearce réunis sur un projet élaboré par correspondance à travers l’Atlantique. Des compositions à haute teneur dream pop et aux confins de l’après rock. Tout de suite, on y voit plus clair.


Je vous parlais dernièrement de la fantastique pochette du groupe Growing suggérant une ligne d’horizon perdue entre ciel et mer, et bien voilà que Clear Horizon rend également hommage au grand bleu sur son premier titre, « Watching the sea », sublime ballade à la mélancolie ambient contagieuse.
Il est assez marrant de remarquer combien la mer fascine les post-rockers et, a fortiori, la plupart des artistes du label de Chicago Kranky. Le « va et vient » interminable des vagues est devenu une thématique aussi récurrente que la déception amoureuse dans la pop musique, excepté peut-être pour les Beach Boys, coincés eux entre deux chaises. Mais il est vrai qu’il n’y a pas meilleur conducteur naturel que la mer pour évoquer en musique les atmosphères élégiaques.

Cette parenthèse mise à part, Clear Horizon est le projet de Jessica Bailiff et David Pearce. La première est une habituée du label avec déjà trois albums solo à son actif enregistrés avec Alan Sparhawk (Low), mélange de folk et Dream pop du plus bel effet. David Pearce quant à lui est le guitariste des aventureux Flying saucer Attack et a également sorti quelques disques solo d’Electronica minimaliste. A l’instar du Postal Service cette année, ce premier album éponyme est le fruit d’échanges postaux de maquettes à travers l’Atlantique, entre l’état de l’Ohio où réside Bailiff et l’Angleterre, patrie de Pearce. Deux années ont été nécessaires pour aboutir à ce recueil de neuf titres où les deux multi-instrumentistes se plaisent à construire des chansons à la manière d’empilements sonores.

L’album se partage dans l’ensemble entre titres chantés et prolongements expérimentaux. Les parties instrumentales se veulent dans le pur esprit « Kranky » et n’apportent pas grand chose de nouveau à l’ouvrage, si ce n’est qu’elles prolongent cette sensation vaporeuse qui traîne tout au long du disque (« Death’s dance », « Dusk »). « Sunrise Drift », lente progression de plus de 7 minutes, évoque une promenade sur une plage aux aurores après une nuit agitée par la tempête. On se retrouve plongé dans une brèche intemporelle et silencieuse où seul les vagues et le bruit de nos pas sur le sable nous rappellent à la réalité. Une apaisante sensation pour l’auditeur.

Côté chansons, si la patte personnelle de chaque musicien est facilement reconnaissable, la combinaison se complète également à merveille. Lorsque Bailiff offre le squelette des mélodies, à David Pearce d’habiller le tout par divers éléments sonores, parfois bruitistes ou accompagné de percussions.

La formule n’est pas forcément exacte sur chaque plage ( chacun apporte une idée puis la retravaille pour obtenir un résultat probant) mais disons que les qualités artistiques des deux musiciens tendent à cette première approche. Le résultat dégage une profondeur mystique, en majeure partie dû aux vocaux ensorcelant de la belle. La plupart du temps, le chant de Bailiff rappelle Hope Sandoval (« Distorsion Song »), mais Pearce aussi prête sa voix sur quelques titres (« A child’s Eye ») et s’en tire plus qu’honorablement.

« Open Road », l’épilogue du disque, est d’une beauté suffocante. Le chant de Bailiff est accompagné par une section rythmique abordée à la manière des Talking Heads. Si bien qu’à la fin, on se dit que si Hope Sandoval avait chanté sur le mythique album de Eno et Byrne My life in the Bush of Ghosts, il y aurait fort à parier que le résultat aurait abouti à Clear Horizon. A méditer donc.