Derrière ce pseudo affreusement banal se cache le side-project de deux figures respectées du milieu underground US : Ben Gibbard (Death Cab For Cutie) et Jimmy Tamborello (actuel Dntel et ex-Strictly Ballroom). Give Up nous berce vers une musique langoureuse, compromis idéal entre écriture rock et coloration electronica.


Il y a deux ans l’album de Dntel Life Is Full Of Possibilities avait fait l’effet d’une mini-secousse dans le petit monde de l’électro-rock. Ce projet ambitieux était le fruit d’une collaboration étroite entre le maître d’oeuvre Jimmy Tamborello – ancien « slowcoreux » reconverti à la cause bidouillage sonore – et quelques noms familiers du circuit indé US : Chris Gunst (Beachwood Sparks), Rachel Haden (That Dog), Brian McMahan (Slint) et enfin Benjamin Gibbard, la voix singulière des Death Cab for Cutie.

Life Is Full Of Possibilities apportait une fraîcheur indéniable au genre, et nous démontrait que l’écriture et la rigueur rock pouvait cohabiter parfaitement avec les ambiances nuageuses d’Autechre. L’exercice n’était certes pas nouveau, mais on avait rarement constaté une telle fluidité d’assemblage entre les deux courant musicaux.

Parmi cette collection de chansons, le travail de Ben Gibbard – dont la voix se rapproche fortement de celle de Neil Tennant (Pet Shop Boys) – avait fait des merveilles sur « The Dream of Evan and Chan », véritable incitation au voyage lunaire. Suite à cette expérience gratifiante et la parution d’un EP qui prolongeait les explorations du même titre, les deux nouveaux compères (ils ne s’étaient jamais rencontrés avant l’enregistrement du Dntel) ont décidé de poursuivre l’aventure sous un nouveau pseudo : The Postal Service. Ce qui ne devait être au départ qu’un nouveau EP a finalement débouché pour notre plus grand bonheur vers un long format. Et le résultat est tout simplement épatant.

Give Up, premier effort discographique de Postal Service est un album enregistré par correspondance : les deux protagonistes se sont envoyés des cd-r par voix postal, d’où le nom ironique tiré de cette expérience. Paradoxalement, cette technique de composition pour le moins hermétique semble porter ces fruits et apporter une chaleur génératrice. Lorsque Jimmy Tamborello triture ses sons, Ben Gibbard les retravaille ensuite sur son PC et rajoute une couleur mélodique qui lui faisait défaut via des instruments classiques. Chris Walla, l’autre guitariste de Death Cab For Cutie est venu prêter main forte au projet et nous livre des parties de guitares minimales dont il a le secret. En guise de cerise sur le gateau, on retrouve aussi les vocaux mélodieux de Jenny Lewis (aka Rilo Kiley) présente sur la plupart des titres.

L’ensemble est moins aventureux que le projet Dntel, mais reste dans la lignée d' »Evan and Chan », soit des compositions électro-pop d’une mélancolie apaisée. Il ne s’agit pas là d’un Portishead bis aux ambiances hivernales, mais plutôt d’une tristesse estivale comme peut nous proposer certains artistes de l’élégant catalogue Morr Music (Mùm, Manual…)

Give Up nous plonge dans un doux rêve éveillé : les sonorités ne sont jamais brutales et au contraire nous caresse. La voix magique de Ben Gibbard prend toute son ampleur dans ce registre moderne, si bien qu’en comparaison, la formule basique (basse guitare, batterie) des pourtant excellent Death Cab For Cutie prend forcément un sacré coup de vieux.

Qu’importe, cet album semble ne pas avoir d’emprises sur le temps et tourne inlassablement sur ma platine depuis trois semaines. Nul doute qu’il sera encore là cet été entre deux coups de crème bronzante et une virée sur les dunes ensoleillés.