Paru il y a déjà plus de trois mois, on ne va pas bouder pour autant un excellent album en cette période d’aridité estivale. D’autant plus lorsqu’il s’agit d ‘un album solo du grand manitou de Giant Sand, OP8 et autre inspirateur de Calexico. Ouvrez grand vos oreilles pour The Listener.
Je me rappelle toujours de la première fois où j’ai posé sur ma platine l’unique album d’OP8, le bien nommé Slush, fruit de la collaboration entre Giant Sand et Lisa Germano. Moi qui n’avais jamais rien écouté d’eux auparavant, ce fut un véritable choc intergalactique pour mon étroit petit esprit : je découvrais qu’il était possible d’allier l’aridité du désert mexicain avec de superbes ballades dans l’esprit rock lo-fi, sans pour autant sonner caricatural ou pompeux. Un véritable tour de force, dont peu de rock-critiques semblent tenir compte de nos jours pour ce qui est – à mon humble avis – un des meilleurs albums rock des années 90. Ce qui pourrait d’ailleurs faire l’objet d’une rubrique flash-back à l’avenir… Peu importe, les détenteurs de cet ovni musical connaissent par coeur son emplacement exact sur leur étagère.
Il me revient d’ailleurs une anecdote à la Fnac Bastille voilà trois ans lors d’un de mes nombreux pèlerinages au rayon « indé ». Quelle ne fut ma stupéfaction de découvrir sur l’étagère un petit emplacement consacré à OP8 avec écrit la mention « L’album indispensable ». Une décoration qui me fit chaud au coeur, car un des disquaires militait pour la reconnaissance de ce petit bijou paru trois ans plus tôt et uniquement disponible en import depuis belle lurette. Un bon samaritain veillait au grain. Merci à toi, oh disquaire de la Fnac.
Depuis quelques temps, ce sont davantage les albums solos de Monsieur Gelb qui attirent l’attention plutôt que ses travaux au sein de Giant Sand. Le récent album de reprises paru l’an dernier n’ayant pas laissé de souvenirs impérissables, si bien que nous avions fini par croire que l’homme ne parvient à faire de bonnes choses que s’il est accompagné par des éléments externes. Entre quelques albums confectionnés avec des membres de Grandaddy, John Parish ou la fidèle Lisa Germano, Howe Gelb nous revient aujourd’hui en solitaire, mais toujours bien accompagné.
« COWBOYS IN DENMARK »
Quatrième album solo et second chez Thrill Jockey, Howe Gelb compte à ses côtés Joe Burns, John Convertino, Nick Luca (Calexico), une partie de Handsome Familly plus d’illustres inconnus ou rencontres d’un soir, c’est selon. Et comme son nom ne l’indique pas, The Listener est le fruit de plusieurs voyages. Enregistré en partie au Danemark, mixé a Tucson (Arizona), Howe Home, (le nouveau pseudo du bonhomme) nous embarque pour une expédition vers des contrées arides.
Très artisanal par sa conception, la production reste pourtant très soignée :
_Première impression, l’éclectisme est encore une fois au rendez-vous et devient – il faut bien l’avouer – une preuve de savoir-faire chez Howe Gelb : mandoline, accordéon, saxophone, scie musicale, maracas, ensemble à cordes… Le cocktail est détonant et toujours diablement cohérent.
_Seconde impression, l’influence du jazz sur Howe Gelb est de plus en plus évidente : Notre homme se laisse ici aller à des progressions et ruptures mélodiques qui nous prennent à rebrousse-poil. Certaines chansons empruntent beaucoup au Sketches of Spain du grand Miles, classique visionnaire qui a su maîtriser avant l’heure les ambiances latino. Ecoutez « Jason’s List » pour vous faire une opinion par vous-même. Bien sûr Howe Home chante, donc la différence est notable, mais les dérivations jazz (accompagné parfois de cordes) se retrouvent éparpillés ça et là sur l’album.
Pour avoir un aperçu du reste de l’album, le titre des chansons parlent d’elle-même : « Cowboy Boots », « Torque (Tango de la Tongue) », « The Nashville Sound »… Parmi ces petites pépites figure « Felonius », une excroissance prodigieuse du « Perfect Day » de Lou Reed. Sublime, cela va de soit. « Torque », justement nous transporte dans un piteux cabaret qui sent le soufre et que ne renierait pas Tom Waits.
Alors qu’on croyait les guitares définitivement virées au placard, déboule « B4U (do do do) » dont l’intro très énervée laisse place à une véritable perle mélodique dada dont les collages s’imbriquent généreusement. L’album se termine sur « Lemmy N Emmy » (hommage à Motorhead ?), chanson enregistrée seulement sur un mini disc dans une chambre d’hôtel de Milan, histoire de boucler la boucle en toute intimité et donner une valeur à son nouveau pseudo.
Au final, on salut une nouvelle fois l’audace du maître. Le frère jumeau de Dave Navarro (belle gueule lui aussi!) s’inspire toujours du désert d’Arizona, son art de la composition et de l’arrangement ne s’assèche toujours pas. Et si vous passez les vacances dans le Sud, n’hésitez pas à vous procurer cet album en guise de BO estivale. Un album fait pour durer.
-Le site de officiel de Giant Sand
-Le site officiel de Thrill Jockey