Onzième album (si je ne me trompe) de ses vétérans suédois, toujours aussi prolifiquement inspirés par une trilogie New Yorkaise légendaire : Velvet, Ramones et Sonic Youth. Loin des projecteurs médiatiques, The Bear Quartet n’en demeure pas moins une valeur ajoutée au consortium noisy.


A vrai dire, la première écoute de cet album demeure enfouit au fin fond de mon subconscient : je ne me rappelle de rien! Et effet de cause par la suite, je l’ai longtemps mis de côté dans une de ses piles de cds anonymes, privilégiant d’autres sorties jugées à ce moment là plus primordiales. Mais force est d’admettre que Ny Väg résiste finalement plus longtemps à l’usure que d’autres galettes chroniquées avec entrain en son temps. Mieux vaut tard que jamais, je vais tâcher de gommer cette première erreur de jugement.

La Suède donc. Vu d’ici, on connaît surtout sa musique à travers quelques groupes pop sympathiques de la décennie précédente tel les Wannadies et Eggstone. Et puis aussi des dinosaures pas très comestibles pour nous, fin gourmets que nous sommes, comme ABBA, Ace of Base et Roxette. Le stéréotype récurrent laissait donc à penser que la musique dans ce pays est plus affaire de pop jetable que guitares dissonantes et autres expériences sonores digne d’une autre trilogie New Yorkaise : celle du Velvet, des Ramones et Sonic Youth. L’exception fait la rêgle, c’était sans compter sur les vétérans de The Bear Quartet.

Quid de The Bear Quartet? Nada en ce qui me concerne, excepté le fait qu’ils soient inconnus dans notre bon vieux pays du fromage. C’est donc en puéril néophyte que j’aborde ce disque. Si je me fie aux quelques chroniques disséminées ça et là sur le net, l’engouement de ce « quatuor à nounours » au sein de son pays est pourtant comparable ici à notre Noir Dez national. Le groupe n’a d’ailleurs pas attendu la reconnaissance tricolore pour sortir le successeur de Ny Väg, d’hores et déjà disponible en Suède.

Pour infos tout de même et histoire de ne pas mourir ignorant, The Bear Quartet sont des vétérans de la scène rock suédoise, formé en 1989 et articulé aujourd’hui autour de Matti Alkberg (guitare et chant), Jari Haapalainen (guitare), Peter Nuottaniemi (basse) et Jejo Perkovic (batterie). Depuis leur premier méfait discographique en 1992, ce quatuor basique (dans la forme, uniquement) peut se vanter d’avoir écrits quelques standards largement reconnus dans leur pays et les frontières environnantes, dont l’album Personality Crisis et surtout Moby Dick qui leur a permis une reconnaissance plus large vers les pays voisins.

Monstrueusement prolifique, Matti Alkberg et ses compagnons de fortune enchaînent à la cadence d’un Frank Black un, voir deux albums par an, en totalisant près de douze (et autant de EP). Implanté depuis quelques temps à Stockholm, le groupe ne s’impose que depuis peu un rythme moins soutenu. Les compositions s’en ressentent aujourd’hui sur Ny Väg, plus sophistiquées et riches d’ouvertures sonores.

« Euthanasia », mise en condition brève et digne d’un Blues Explosion période Now I got Worry, a le mérite de nous emmêler un peu les pinceaux. Véritable catalogue musical, la sphère espace-temps de Ny Väg perdure tout au long de ses neufs titres. Là où on se croyait en terrain balisé de furie rock n’roll, on nous plonge dès la plage suivante avec « Trust Island » en pleine Factory glorieuse : Warhol s’emballe sur son dernier photomontage tandis que Lou Reed finit de se rincer les narines.

De toute évidence, The Bear Quartet semble prendre un malin plaisir à expérimenter toutes les possibilités sonores qu’offre une six-corde. Les étiquettes se suivent et ne se ressemblent pas : « Super confidence » évoque un Ride menaçant, « Number » délivre une rage dont n’aurait pas renié Hüsker Dü. Vient ensuite le tour de Sonic Youth (« Go to bed, Head ») et Brian Eno (« Night Nurse », « Heaven/No Heaven »). Plat de résistance de l’album, « 10.20.100 » est une montée en adrénaline progressive de plus de 7 minutes, construite autour d’un riff dévastateur qui rappelle un Captain Beefheart emplis de tensions négatives.

Arrivé au bout du chemin, Ny Väg surprend par sa densité et sa maîtrise. Tout ici est mûrement réfléchi que soit au niveau de la production (fabuleux son de guitares rêches) et des ambiances riches. Le Chant alterne enfin entre l’ anglais et le suédois (surtout dans les monologues).

Ny Väg respire le savoir-faire et l’élégance : voilà un groupe qui a longuement élaboré sa formule au fil des ans. Ne demandez pas par exemple aux Libertines de pondre un album pareil – ce qui est de toute façon hors sujet – mais voilà, il faut avoir cravaché dur et longtemps pour accéder à un résultat de cet acabit.

Franchement, rien à redire de ce groupe impeccable, excepté peut-être cette pochette qu’on croirait sorti tout droit d’une démo de seconde zone. Ceux qui craignent cet été un manque assidu de Sonic Youth, Calla et autres formations sorties du schéma aliénant des trois accords redondants, feraient mieux de se diriger vers cet oasis salutaire.

-Un site de Fan (en anglais) A west side story

-leur label