Malgré une audience toujours restreinte, The Zephyrs maintient son cap tel un vaisseau fantôme, voguant sur une mer d’huile et ressassant des souvenirs forcément mélancoliques mêlés d’apitoiement en direction d’une pop spectrale. Il ne nous reste plus qu’à monter à l’abordage.
Il y a deux ans, When the sky Comes Down On Your Head, second album des Zephyrs, avait fait son petit effet autour des cercles intimes d’amateur de Dream Pop. Pourtant, rien ne laissait présager un si bel objet si l’on s’attardait un peu sur le destin du groupe des frères Nicols (Stuart et David) : un premier album distribué dans un anonymat total (700 exemplaires) et puis donc ce second effort, pratiquement avorté pour cause de label jetant l’éponge le jour même de sa sortie, repris in-extremis par les Espagnols avisés d’Acuarela.
Malgré quelques compositions encore timides, cette formation d’Edimbourgh possédait un « je ne sais quoi » qui laissait pressentir un potentiel important. Déjà, le groupe affichait haut ses ambitions (un peu trop peut-être) avec une brochette d’invités non négligeables : Adele Bethel (Arab Strap), Rachel Goswell (Mojave 3) et Sean O’Hagan (High Lamas). Le tout aboutissait à un cross-over subtil entre un Mogwai apaisé et Mazzy Star poussant son chant du cygne. When the sky… se distinguait par quelques titres charmeurs dont « Stargazer », morceau d’une beauté sauvage hanté par le chant de Rachel Goswell, renouant avec les explorations noisy et mystérieuses d’un Ride. Forcément, avec un pavé aussi génial (appeler de plus une chanson « Stargazer », c’est ce que j’appelle avoir bon goût!), on s’attendait à ce que le groupe ne s’arrête pas en si bon chemin et continue son odyssée épique.
Un an plus tard, l’essai était confirmé sur leur excellent EP The Love That Will Guide You Back Home, d’une humeur plus calme et maîtrisée, dont quelques membres de Mogwai étaient venus prêter main forte, notamment sur le phénoménal « I Came For That ». Ce groupe assez précoce (seulement quatre ans d’existence) se devait donc de lever la barre encore plus haut pour son troisième album.
Signés depuis peu chez Setanta, Stuart et David possèdent désormais les moyens appropriés pour embaucher pas moins de huit musiciens afin de mettre en oeuvre leurs ambitions.
Assis sur le siège de producteur depuis le EP précédent, Michael Brennan a plus d’une idée dans son sac pour aider ses amis écossais. Parmi ses trouvailles, on notera l’excellente initiative d’inviter Cian Ciaran, claviériste attitré des Super Fury animals et chargé de mettre en son A Year to The Day.
Au vu du résultat, le Gallois furieux a incontestablement permis aux Zephyrs de franchir un nouveau palier en terme d’identité sonore : tout au long de ces 35 minutes, un voile crépusculaire danse au-dessus des compositions. Il faut dire que nous n’attendions pas moins de la part d’un des membres du groupe le plus Hi-tec outre-manche.
A l’image de la pochette d’A Year to the day, les Zephyrs semblent cette fois s’être échoués sur une plage de Normandie. Un paysage brumeux se dévoile au loin et retranscrit parfaitement cette atmosphère à la fois sereine et mystérieuse. Et cette formule est tout bonnement admirable sur des chansons comme « Empty Eyes », où un Mogwai plus apaisé plonge dans les méandres d’une ballade du Velvet underground.
La présence du p’tit nouveau Robert Dillam (ex-Adorable, combo brit pop anciennement signé chez Creation) comme permanent au poste de guitariste est une très bonne chose : ses arpèges font merveilles sur les tempos ralentis de « Go Slow » (doux euphémisme) et sur bon nombre des merveilleuses ballades dispersées tout au long de ce disque.
Il faut aussi mentionner ce don inné des frères Nicols pour trouver des arrangements qui font mouche au premier coup : écoutez ces magnifiques trompettes qui résonnent sur « One Year Many Mistakes » ou ces haut-bois enchanteurs sur le très distingués « A While ».
Supérieur à When the sky Comes Down On Your Head sur pratiquement tous les plans, on commence à comprendre que les Zephyrs n’avaient nullement besoin d’invités de luxe pour maintenir l’intérêt de leur troisième album. Au passage, il faudra expliquer un jour aux jeunes musiciens que les special guest concernent seulement les artistes seniors en perte de crédibilité artistique (aka: Tom Jones, Bowie, Iggy Pop… voyez le tonneau…).
Avec ce nouveau pavé, on comprend aussi que ces écossais franchissent chaques fois un nouveau palier et à ce rythme là pourraient bien devenir un challenger sérieux au trône de meilleur groupe de rock écossais (la concurrence est pourtant rude) et à ce titre, The Zephyrs constituent avec Low et Mojave 3 les meilleurs ambassadeurs d’une pop noisy bucolique et hantée à l’échellon internationale.
-Le site officiel des Zephyrs