Encore une compilation serait-on tentés de dire… et bien non, dans une industrie musicale à court d’idées et à perte de profits, une astucieuse mise en bouche temporelle et stylistique arrive en ce début d’automne pour chauffer nos sens et nos neurones!


Dans le monde des compilations (ô l’ignoble mot), les choses ont changé depuis quelques années. Avant (il n’y pas si longtemps), les compilations se limitaient simplement à un label, à un style musical, ou, au pire, à une année précise ou une période donnée. Puis sont apparues, à côté de compilations de mix divers venant des DJ devenues stars, les Buddha Bar, Latina Café et autres lounge bazar truc-muche du café m’as-tu-vu du coin.
Des noms comme St Germain y figurent à profusion, et on se retrouve à une soirée ou un dîner à essayer d’expliquer au commun des ignares que le disque de Tom Jobim que l’on vient de mettre n’est pas une copie du dernier je-ne-sais-qui dans Buddha Bar mais au contraire, l’original, un titre vieux de 25 ans récupéré de façon éhontée avec des beats ignobles dans la compilation bouddhiste à la noix…

Tout ceci pour vous dire que j’ai des compilations une sale image, pour ne pas en dire plus. J’ai donc réceptionné l’actuelle avec une méfiance de rigueur.

Première surprise, et non des moindres, cette compilation au nom quelque peu « barbare » couvre en gros une période qui commence en 1968 et se termine en 2003! Des noms que seul un rat des disquaires connaît – et je n’en suis pas un – côtoient des célébrités dont on se demande sérieusement ce que leur présence peut avoir de justifiée (Michel Polnareff pour n’en citer qu’un).
Sur le papier donc, sans avoir encore écouté quoi que ce soit, le scepticisme a succédé à la méfiance.
Deuxième surprise, l’écoute de la « chose » : les genres se mélangent
allègrement, allant de la techno(ïde) allemande au classique baroque mêlé aux Beatles, d’une nouvelle sorte de langoureux funk arrosé par un saxophone devenu ivre au New York Punk sombre des légendaires Suicide, de la disco-dance d’une Grace Jones à l’out-rock teuton, de la new wave romantique de Human League au kitsch pop easy listening d’une petite française etc….
Bref, un succédané de titres qui sur papier laisserait plus d’un auditeur perplexe, voire réticent à la démarche proposée, mais qui à l’écoute se révèle original, intéressant, voire jouissif.

En clair, on peut percevoir quatre styles différents dans ce disque tout sauf ordinaire :

1-> Le style très contemporain, lancé en Allemagne par Gonzales et Miss Kittin jusqu’à To Roccoco Rot et Tarwater, d’une techno qui recycle les années 80.

2-> Des titres avant-gardistes des années 80 (Suicide, Human League).

3-> De l’easy listening et de la pop mélodieuse kitsch des années 70.

4-> Du R’nB joyeux, trituré ou non, par la house américaine.

Les styles se mélangent constamment et le résultat est à la hauteur de l’étonnement qu’il occasionne. Les titres contemporains se mélangent allègrement aux titres plus anciens, les styles se croisent, même dans un même titre, et davantage s’il s’agit d’une reprise (« Angel » des Stones par exemple). Il faut avouer que la recette est appétissante. La dance entrecoupée de titres soft rend l’écoute intéressante, loin de ce que procure trop souvent une compilation, à savoir, la lassitude, voire l’agacement.

Pour conclure, tout ce méli-mélo tient plus que franchement la route, autant pour les connaisseurs qui sont toujours friands de nouvelles découvertes et sons ambigus ou joyeux que pour le néophyte qui voudrait de la musique d’ambiance, une nouvelle sorte d’easy listening plus complexe, plus travaillé, et surtout plus ambitieux.
Le titre des allemands Artist Unknown est à l’image d’une grande partie des artistes qui figurent dans ce disque: sur une mélodie très accrocheuse jouée par des violons et un violoncelle chante une voix rappelant étrangement une Anne Clark.

Parmi les autres curiosités – bien nombreuses ici – Claudine Longet, une française devenue une véritable célébrité outre-Atlantique grâce au film The Party de Blake Edwards, avec l’extraordinaire Peter Sellers, y chante une chanson dans le pur style kitsch des années 70, composée par André Pop. Un vrai délice en fin de compte. L’instrumental de Michel Polnareff, qu’on croirait sorti d’un très bon film de gangsters (Pulp Fiction pour n’en citer qu’un), clôture ce disque de manière magistrale avec ses cuivres et ses violons.

Je vous laisse la joie de découvrir les autres artistes qui figurent dans ce cd qu’il ne faut surtout pas prendre au premier degré!

– Le site d’Diamond Traxx
– Le site d’DIRTY