Projet avant-gardiste made in France, My Jazzy Child est un véritable moteur à explosion capable de délivrer trente idées à la seconde. Une leçon de jonglage sans effort apparent entre la singularité de Robert Wyatt et l’intemporalité de Parsley Sound.


Qu’il est bon de savoir qu’on peut compter sur quelques artistes français pour nous offrir de nouvelles perspectives sensorielles ! Lorsque l’Angleterre est trop occupée à produire à la chaîne de bien mièvres groupes garage rock et autres albums électro d’une fadeur insupportable, il suffit de traverser la manche pour accéder à une oasis de nouvelles émotions.

Parmi ces aventuriers du nouveau son et autres défricheurs d’abîmes, le label Active suspension peut se vanter d’avoir dans ses rangs des musiciens passionnants et passionnés, qui n’hésitent pas à échanger leurs expériences entre eux pour explorer bien souvent des territoires sauvages, où aucun terrien n’a encore mis les pieds (bon, j’exagère, mais si peu!). A l’instar du label Temporary Residence aux Etats Unis, c’est ce mélange entre musiciens issus du rock indépendant et bidouilleurs électro influencés par l’institution WARP qui semble le mieux habilité actuellement à pousser quelques barrières et nous offrir une matière vierge.

Damien Mingus fait partie de ce consensus tricolore. Ce jeune parisien familier de la scène indépendante parisienne a de la suite dans les idées. Non content d’être l’un des initiateurs du label Evènement, c’est aussi un multi-instrumentiste inspiré et convoité, déjà remarqué chez Encre et autour de quelques signatures chez Active Suspension. Avec déjà deux albums de My jazzy child distribués sur sa propre structure, Sada Soul inaugure un premier long format pour Clapping music (extension d’active suspension)et de nouvelles aspirations musicales.

A la base projet instrumental, Sada Soul, titre en hommage à l’héroïne du classique du cinéma asiatique l’Empire des Sens, est aussi le premier album chanté de Damien Mingus – ce qui forcément inclue un champ d’expérimentation plus pop qu’à l’accoutumée. La dimension electro se fait plus discrète que sur les travaux précédents et laisse l’espace vacant aux instruments vintage.

On reste désarçonné par cette étrange mixture d’éléments empruntés au jazz et la pop noisy, un peu comme la première fois où l’on a posé son oreille sur Rock Bottom : cette étrange saveur intemporelle qui mélange du vieux et du neuf pour mieux nous déboussoler. Et tout comme le chef-d’oeuvre de Robert Wyatt, toutes les rêgles sont ici transgressées et appellent à de nouveaux réflexes. Heureusement, on n’est pas trop rouillé pour réveiller nos sens, car Parsley Sound était justement parvenu à nous gratifier d’un pareil bijou le mois dernier. A croire que c’était un jour de pleine lune.

Sada Soul nous bouscule, nous prend à contre-courant et nous intrigue. « Whatever you do », le premier titre, hypnotise avec ses coeurs pop hésitants, rappelant Syd Barrett et The Movietone. « Morfler » évoque une musique tribale transportée par un larsen de guitare incontrôlable. La fois d’après, tout est remis en question avec « Shame on You, I love you », une sorte de délire psychédélique jumelé à une démo des Neptunes.
Tout fourmille ici d’univers étranges faisant directement référence à l’enfance comme sur « Electrique » ou sur le sublime « Not too hard », jolie berceuse que l’on écoutera bordé dans notre lit pour faire de très beaux rêves.

Terrain d’expérimentation jamais soporifique, la musique de My jazzy child est dense et mystérieuse, comme un champ de blé un soir de pleine lune. Il faut s’y plonger plusieurs fois pour essayer de découvrir ses secrets, sans jamais vraiment y aboutir. Un disque qui s’apprivoise, mais qui ne sera pas relégué au placard avant…

– le site de My Jazzy child

– le site d’Active suspension