Le reggae oui ! Mais du roots ! Celui qui met en valeur les instrumentations et les improvisations. Aux confins de l’Afro-Beat et du Latin Jazz, le reggae du saxophoniste Cedric Brooks vous séduira à la manière des vaudous !


Cedric Brooks est né en 1943 à Kingstown. D’abord joueur de clarinette à l’école, il étudiera ensuite le saxophone et la flûte. C’est déjà au début des années 60 qu’on le trouve au sein des Vagabonds et du Granville Williams Band. En 1968, c’est avec le trompettiste David Madden qu’il enregistrera, sous le nom d’Im & David, plusieurs instrumentaux pour Coxsone Dodd. Il collaborera avec le fameux producteur encore dans les années 70. C’est en 1970 justement qu’il travaillera avec Count Ossie, notamment sous le nom de Mystic Revelation of Rastafari, pour enfin voler de ses propres ailes à partir de 1974, en tant que Light of Saba. L’institute Of Jamaica lui commandera From Mento To Reggae To Third World Music, qui retrace l’histoire de la musique jamaïcaine, celle qui va du ska au rocksteady en passant même par les rythmes des Caraïbes.

A partir de 1977, c’est pour le mythique Studio One qu’IM enregistrera plusieurs singles et même un album, Flash Forward. Cedric Im Brooks est considéré comme une figure incontournable du reggae, et du reggae instrumental en particulier. Les Skatalites et les Abyssinians, deux groupes légendaires du reggae, ne s’y sont pas trompés en l’engageant ici et là, en concert ou en studio. L’album ci-présent, édité chez Honest Jon’s, la boutique de disques londonienne devenue label grâce à Damon Albarn, se propose de retracer la -longue- carrière de Brooks en pas moins de 19 titres.

Le calypso, le funk, la rumba, le jazz be-bop, l’Afro-beat, le nyabinghi et la disco sont les genres que Brooks explore pour nous servir un reggae varié de très haute tenue. Les cuivres sont un des ingrédients essentiels du reggae roots, à savoir le vrai, the one and only. On a trop souvent tendance à l’oublier, surtout à l’écoute de ce qui se fait actuellement. Rien ne vaut pourtant un concert de reggae avec cuivres…

Dès le premier titre, « Lambs bread collie », le ton est donné : voici venir le temps où le rastaman était roi. Le saxophone est magistralement mis en valeur sur un tempo enivrant, où les percussions essaiment allègrement la batterie, à la manière de Prince Far I. « Words of Wisdom » nous emmène sous le soleil brûlant de l’île des Caraïbes. Des titres purement instrumentaux côtoient des titres chantés, et le disque prend peu à peu possession de toutes vos facultés de perception…

Des titres comme « Sabebe » lorgnent parfois vers l’Afrique et l’Afro-beat popularisé par Femi Kuti, et font donc aussi penser au funk. « Nobody’s business », avec des choeurs féminins très métissés vont dans le même sens. « Africa » est un superbe hommage au roi du funk africain.

« Salt lane rock » ou « Sabayindah » vont plutôt ravir les amateurs de jam sessions, où les instruments se succèdent (jusqu’à des flûtes, des clarinettes, des trombones, en plus des trompettes et des saxophones, sans parler des guitares, du synthé, des congas, des percussions et de l’inévitable mais ô combien jouissive contrebasse ). Ceux qui aiment les cuivres et les percussions (particulièrement mis en valeur dans « Sound »), le tout sur le son grave de la contrebasse en auront pour leur curiosité et leur goût de la chose, et ils ne s’imaginent pas jusqu’à quel point ! Et si en plus vous ne dédaignez pas d’entendre une voix de pété (mais le joint n’est-il pas obligatoire sous ces tropiques-là ?) vous réciter des Rastafari et des Zion à profusion, vous atteindrez peut-être le septième ciel.

En écoutant ce disque on pense à ce qui s’est fait de mieux dans le genre, des Congos jusqu’à Yabby You. Ça, c’est pour le reggae. Pour ce qui est de l’afro-beat, on a une belle palette plus qu’illustrative du genre. Enfin, ceux qui aiment le jazz, ou plus spécialement le latin jazz aux accents jamaïcains (« Song for my father »)seront également servis. « Collie version », le dernier titre, honore la dub. C’est du bonheur, « Jah light it right »!

PS : Il n’y a pas de site pour Cedric Brooks.
Il n’y en a pas non plus pour Honest Jon’s records.
J’ai tout de même trouvé ceci