Les idées noires sont le train-train quotidien de June Panic et ce sixième album ne faillit pas à la règle. A l’écoute de ses quelques instantanés de la vie quotidienne, son nouveau statut de père ne semble pas l’avoir apaisé pour autant. Comme dit le proverbe : « Le malheur des uns fait le bonheur des autres ».


June Panic aime user d’humour grinçant et de jeux de mots décapants. Le titre de ce sixième album, Hope you fail better (trad : j’espère que tu te sens/échoues mieux) , pourrait résumer à lui seul la personnalité de ce gaillard atypique du Dakota : Mr Panic est le genre de grande gueule qui se tient seul à l’autre bout du comptoir, divertissant l’audience en racontant des blagues tout en noyant immodérément sa peine dans l’alcool. Un clown triste en d’autres termes.

Avec la régularité métronomique d’un Woody Allen, ce songwriter fidèle de l’écurie Secretly canadian (il fut le premier signé par la maison dans l’Indiana) publie son petit album annuel depuis 1999. Dur de passer derrière Songs-Ohia ou Damien Jurado me diriez-vous, sauf que June Panic, avec son écriteau d’artiste « culte » pendu au-dessus de lui (et les avantages et inconvénients inhérents au statut) n’a pas à rougir face à ses collègues de label. June a assez de personnalité et de talent pour ne pas jouer que les simples bouche-trous de première partie.

Cette musique là ne délivre pas ses charmes dès le premier rendez-vous. Non, ici le coup de foudre n’est pas de rigueur. Le poids des illusions a trop longtemps étouffé l’innocence et les idéaux pour enflammer le coeur du premier coup. Mais l’étincelle existe, elle grandit à son rythme dans nos esprits jusqu’à en devenir diablement additive.

Ce sixième album ne faillit pas à la règle : une country alternative « pessimistement » drôle (mais pas trop quand même, drôle), à mi-chemin entre Dylan (son phrasé vocal) et Hayden pour ses penchants expérimentaux. C’est Daniel Smith (membre de The Danielson Famile), qui co-produit cette fois. Le matériel a d’abord été rôdé sur scène en compagnie de ses Silver Sound – son Band à lui – avant de passer en phase studio, d’où ce côté un peu léché (faut pas exagéré non plus). Une manière d’aborder l’enregistrement un peu inhabituelle pour notre homme et faisant un peu entrave au protocole d’usage du « aussi bien servi que par soi-même » – excepté pour Horror Vacui en 2000, également produit par une main externe. Et ça tombe bien, car Hope you fail better renoue avec l’excellence d’Horror Vacui.

Depuis ses débuts, June Panic a poli et varié son son, sans vraiment faire de compromis. Il est loin le temps où le jeune songwriter concurrençait en termes quantitatifs Guided By voices (son premier album Glory Hole en 1999 proposait pas moins de 28 titres brouillons mais pas moins qualitatifs). Désormais, ce sont 11 titres solides qui nous sont livrés en pature.

Pourtant, on retrouve toujours les même habitudes : la guitare Fender est toujours aussi rêche qu’une craie sifflant sur un tableau. Le natif de Fargo a seulement affiné son traît et n’a jamais aussi bien maîtrisé son art. Les mélodies sont ainsi plus présentes qu’à l’accoutumé : « Breach birth school » pourrait par exemple être une chanson de REM chantée un soir de cuvée.

Si June Panic a pris de la bouteille (au sens propre, comme au figuré), il n’a pas pourtant exorcisé ses démons. Plusieurs textes font référence à la naissance de son bébé. L’heureux évènement est traité paradoxalement avec un pessimisme qui pourrait directement faire référence à « The end of the rainbow » de Richard Thompson : pour faire court, le nouveau-né n’est pas le bienvenu sur cette terre, comme en témoigne le sublime « That’s the Moon, My Son ». Malgré la rudesse de ses textes, cet éternel pessimiste reste attachant et ne sombre jamais dans l’apitoiement parodique grâce à ce fameux humour noir qui lui permet de retomber sur ses pattes avec une certaine aisance.

Finalement, tout comme les fossoyeurs, le gagne-pain de June Panic consiste à se coltiner le sale boulot pour que nous autres puissions nous sentir mieux. Et June Panic est devenu un expert en la matière.

– Le site de June panic chez [Secretly Canadian->
http://www.secretlycanadian.com/secretlycanadian/]