Avec Poptical, Ed Motta revient envoûter l’Europe de ses nappes électroniques teintées de jazz funky. Un vibrant hommage à la musique populaire brésilienne entre racines et influences occidentales.


La musique brésilienne, si on oublie son côté soupe tiède servie trop souvent par les plateaux télés pour routards en mal d’évasion, regorge d’influences musicales disparates qui lui donne un regain d’intérêt. Que ce soient la modinha, le chorinho, la marchinha ou la samba, toutes ces musiques sont un mélange d’influences européennes (portugaises) avec des rythmes africains.

Puisée dans les percussions africaines, les samba-canção, le forró ou la bossa nova reposent sur un rythme dominant composé la plupart du temps pour des chansons à thématique amoureuse.
Mais avec la dictature militaire dans les années 60, la musique brésilienne, tout en gardant ce rythme dansant, est devenue plus politique, contestataire, provocant le régime totalitaire. Le mouvement du « Tropicalisme », mené par Gilberto Gil et Caetano Veloso, n’hésite pas à s’insurger contre la morale établie. Les chansons sont alors plus accrocheuses par la présence d’instruments électriques entre rock et funk.

Aujourd’hui derrière un sigle MPB pour « Musique Populaire Brésilienne » se cache un fourre-tout de divers styles, qui a trop tendance à singer la variété commerciale. Heureusement qu’il reste encore des ambassadeurs pour traiter la musique brésilienne avec tous les égards qu’elle mérite, redonnant à cette femme souillée sa pureté des débuts. Ainsi Ed Motta à l’instar d’un Milton Nasciment ou Tom Jobim s’approprie les standards de ses pairs pour redorer le blason et les nuances des rythmes du Brésil.

Après un voyage à New York, Ed Motta s’immerge dans la musique populaire de son pays à la recherche de ses racines. Côtoyant la scène jazz américaine, dont une collaboration avec Roy Ayers, il en ressort alors transformé et compose l’album Dwitza qui le propulse sur le devant de la scène mondiale. Loin de ses débuts hésitant entre soul et funk avec le collectif Conexao Japeri, Ed Motta a enfin trouvé sa voix et sa voie.

Aujourd’hui alors que sort son neuvième album Poptical, sa musique se rapproche de la pop et du jazz pour jouir de ses échanges chaleureux. Hédoniste, s’adonnant aux plaisirs de la vie et surtout de la bonne bouffe, Ed Motta ne nous a jamais paru aussi serein dans ses compositions qui reflètent bien son désir de vivre pleinement ses jours.

Joueur, Ed Motta se plait à faire danser les rythmes dans ses compositions, passant d’un titre soul « Que bom voltar » à un tempo lascif sur « The Rose that came to bloom » où seuls un piano acoustique et la voix basse du brésilien s’accouplent. Sur des paroles de Jean-Paul Bluey Maunick (l’un des initiateurs de la scène acid jazz londonienne), à qui Poptical est dédié, cette chanson reflète au mieux l’atmosphère féline de l’album.

Entre rythme synthétique, où on croise le dub de Lee Scratch Perry sur « Coincidência » et un jazz funk avec une basse soutenue « Fox Do Detetive », Ed Motta nous rappelle par moment les compositions d’un autre fureteur brésilien Lenine avec qui il partage ce sens du groove et de la mélodie. La jonction entre passé et présent se réalise à merveille sur « Pra Se Lembrar » (sur un texte de Jair Oliveira) en un habile syncrétisme où les bases les plus traditionnelles de la MPB s’enfoncent dans les limbes de la musique électronique.

Avec Poptical Ed Motta nous livre sa vison de la musique brésilienne n’hésitant pas à mêler les styles et générations. De cette rencontre entre les genres naît un album riche en timbres, harmonies, et références à tout un pan d’une société qui se distingue par son attachement à sa culture chère à Gilberto Gil et Caetano Veloso.

– Le site de Ed Motta