Accompagné d’une partie des Von Bondies et des Soledad Brothers, Mr David Viner joue un blues digne des meilleurs du genre. Alors que sort sur les écrans de cinéma une série de films consacrés au blues, un jour peut-être un réalisateur se consacrera à ce talentueux musicien.
Lorsque le blues est évoqué, les images du Mississippi, du Texas ou d’autres étendues plus ou moins désertiques d’Amérique nous viennent naturellement en tête. Pourtant, David Viner, anglais d’origine, est parti du côté de Detroit pour enregistrer son album. Detroit, ville plus connue pour ses universités, son industrie automobile qui produit pratiquement 90% des voitures du pays que pour être une terre d’origine du blues.
Dès lors et malgré deux handicaps, être anglais et blanc de peau, David Viner s’est mis en tête de jouer du blues à la manière de ses idoles noires dont il avait appris par coeur adolescent la non-méthode pour accéder à la musique du diable. D’ailleurs, ce n’est pas sans raison qu’une chanson soit dédiée à John Fahey, chanteur blanc de blues des années 50 qui vendait ses productions à la station-service où il travaillait et qui avait choisi le pseudo de Blind Joe Death pour se faire passer pour un vieux guitariste noir.
Mais si le blues comme le jazz sont l’orfèvre des noirs, alors Viner doit avoir des gênes de couleur pour avoir autant de talent. Et pour relever encore plus l’affront, il a décidé de choisir une ville industrielle, lieu où les disparités entre pauvres et riches sont plus flagrantes que dans les zones agraires, pour graver ses compositions. En effet, c’est dans ce milieu urbain, en bordure de bidonvilles, au bien nommé studio ghetto recorders que résonnent pleinement l’écho des racines du blues.
Entouré d’une partie des Von Bondies dont Jason Stollsteimer qui l’accueille sur son label In the Act et des Soledad Brothers, David Viner fait parler librement sa musique sur ses douze titres à la chaleur réconfortante où il fait bon se retrouver entre amis. Ici, les musiciens jouent un blues sans artifice, débarrassé des poses et automatismes qui entourent et alourdissent trop souvent les compositions récentes du genre. Les chansons sont jouées avec les tripes et un coeur gros dont seuls les hommes qui osent regarder leurs erreurs en face peuvent alimenter.
« Le blues m’a appris à être un homme » chante Viner sur « Nobody’s fault » en introduction de l’album.
Sur ce disque, on entend autant la dérive urbaine que les étendues les plus panoramiques de l’Amérique. Des titres comme « Another man » ou « Hobo Blues » sont autant de brûlots qui nous rattachent à la terre. Ainsi, l’album dans sa totalité est conçu comme le prolongement d’un instant d’une vie, de ces états de tranquillité qui nous donnent confiance en soi.
Il est de ces disques rares et donc précieux qui gagne en intensité à chaque écoute. A l’image du titre « Cee-saw » qui a trois raisons de porter ce nom, chanson écrite en clé do, qui fait des hauts et des bas mais dont la troisième raison n’a pas été trouvée par l’auteur, découvrir Mr David Viner ne s’explique pas. On l’écoute pour le plaisir du blues, pour se perdre dans les limbes de l’hédonisme.
On a souvent écrit que le blues est une musique qui respire la détresse, les pleurs des champs de coton, mais rares sont ceux qui savent détecter dans cette musique les filtres de lumière, les rires après les larmes. Malgré un titre chargé comme « Trouble in mind », l’espoir n’est jamais loin et le chanteur sait « que le soleil brillera un jour ».
Peut-on parler pour autant de rédemption? Dans un sens oui car comme un Blind Willie Johnson (mais pourquoi Wenders n’a pas fait jouer Viner dans son film The soul of a man?!) notre homme parle de mysticisme sans tomber dans le religieux.
Il évoque la souffrance tout en évitant l’apitoiement. Dans ses propos, il n’y a pas de discours politique chargé mais juste l’écho de la guitare, enveloppé par le son granuleux des cordes. Le souffle des instruments résonne dans la pièce et de ces prises quasi live « Monkey Rag », « Don’t do that » enregistrées avec peu de moyens se dégagent l’aura d’un des meilleurs disques de blues de nos jours.
Lorsqu’il sera temps de rédiger l’encyclopédie du blues du XXI siècle, il est fort à parier que tout un chapitre sera consacré à Mr David Viner.
– Le site de David Viner chez Dim Mak Records