Fougueux troisième album, Indéfendable ne fait aucune concession et nous impose un rock mélancolique et pesant qui parvient – non sans un certain savoir-faire – à éviter les clichés. De l’énergie à revendre et bien canalisée, c’est assez rare pour être signalé.


Couverture sobrement noire avec le nom inscrit en lettrage doré, Dickybird semble vouloir imposer d’entrée un certain sérieux qui pourrait prêter à sourire. Mais il suffit d’une seule écoute d’Indéfendable, leur troisième album, pour comprendre que ce groupe n’est pas une blague d’un soir, mais le projet de toute une vie : formé voilà une dizaine d’années, Dickybird a certainement connu les galères et les courbes irrégulières d’un encéphalogramme inhérent à la carrière d’un groupe de rock français. Cela se sent sur ce disque.

Il y a une maturité dans ce trio trentenaire que l’on ne retrouve pas chez les « p’tits jeunes ». On veut dire par là que ce groupe a dépassé depuis longtemps les utopies du premier album et autres plans de carrière à la Oasis. Non, nos amis laissent le sentiment qu’ils défendront leur musique jusqu’à la fin, un peu comme chez Fugazi. Un groupe en somme qui ne compte sur personne et qui perdure contre vents et marées (peut-être est-ce d’ailleurs pour cela qu’ils ont décidé d’accoster près du Havre).

Dans l’ordre des choses, Stephane Touboulic (basse) Doris Le Mat-Thieulen (guitare/chant) et Jean-François Thieulen (batterie, frère caché de Dave Grohl), n’ont attendu personne pour concrétiser leurs rêves : avec leurs propres deniers, ils sont partis enregistrer à Chicago chez le légendaire, Steve Albini, « LE » monsieur du rock indé, responsable de quelques noms qui ont contribué à changer notre vision des choses ces 15 dernières années (Nirvana, Pixies, PJ Harvey…).
Avec déjà les Thugs, Sloy et Noir Dez sur son tableau de chasse, c’est à se demander pourquoi Albini exerce un tel pouvoir de fascination chez les fleurons du rock français à tendance survoltée. Un choix judicieux de toute manière, car le producteur à lunettes est réputé pour apporter un son digne de ce nom plutôt que d’influer sur l’âme du groupe. Et il faut dire que le trio du Havre se débrouille pas mal pour le reste.

Indéfendable instaure une atmosphère lourde et pesante, proche du catalogue de Sub Pop du début des années 90 (Nirvana, les Melvins, L7, Mudhoney…). Les influences ici sont indubitablement US et alternent entre passages hardcore (« Wanna be in », Testing my mind ») et d’autres plus maîtrisés. On retrouve aussi un peu de cette hargne qui nous séduisait tant sur Surfer Rosa des Pixies (« I did it! »).

Les guitares carburent à la nitro et sont capables d’accélérations fulgurantes, mais c’est surtout dans ces moments efficaces que le trio marque son sillon : « Dancing » est martial, une mélodie entêtante qui écrase l’auditeur, on croirait entendre la flamme des Throwing Muses du début. Si Doris la chanteuse exècre les Beatles, le trio ne se refuse pas quelques mélodies finaudes comme sur « Your Eye », certainement le titre le plus personnel de l’album avec son poignant refrain, « I will always see your eyes ».

Enfin, les dix morceaux présentés ici sont sans titres, mais il suffit de glisser l’album sur son PC pour accéder aux lyrics et se rendre compte que Doris manie plutôt bien sa plume et ne sombre pas dans la facilité. Des textes introspectifs qui ne cachent rien. Ne rien cacher, c’est justement ce qu’il nous manquait en ce moment. Défendable, Définitivement.

-Le site de Timer Records

-La gazette de Dickybird