Enregistré avec des moyens réduits, l’album These days are hard to ignore de Portrait of David a tout pour combler l’auditeur mélancolique. Malgré son aspect minimaliste, cet opus cache une parfaite maîtrise de l’orchestration. On a retrouvé le cousin norvégien de Will Oldham.


Il est huit heures du soir, vous rentrez du travail. Encore une journée éreintante au bureau, énervante à cause de collègues récalcitrants. Vous allumez la télévision mais l’éteignez aussitôt évitant ainsi le pire. A la maison, on vous parle, vous répondez par des silences. Vous ne souhaitez que l’apaisement, qu’à détendre vos nerfs.

Une musique vous traverse les oreilles aux ambiances feutrées. Quelques touches de piano qui résonnent dans l’air, des arrangements de cordes subtilement posés sur des mélodies presque chuchotées, These days are hard to ignore a tout pour combler l’auditeur voulant s’échapper des productions bruitistes. Dans un état de demi-songe, vous vous retrouvez au milieu d’un fjord norvégien avec les chansons de Portrait of David qui vous caresse l’âme. De ses titres empreints de nostalgie, il est difficile de ne pas penser à la solitude et à la tristesse que nous renvoie Ola Fløttum d’un adolescent qui rêve de liberté et d’héroisme.

« Lorsque j’étais enfant, je me faisais passer pour un cheval en milieu sauvage qui ne pouvait pas avoir d’amis » chante t-il sur « Nine-day wonders » ou encore « Je rêvais d’un cheval qui pouvait jaillir dans les yeux des marins et transformer l’ombre des noyés en des algues de toute beauté » sur « David’s portrait ».
De ces dix titres emplis d’intimité se dégagent un désir d’évasion, de se libérer de l’emprise de la douleur de ces jours qu’on préferait ne pas avoir vécu.

De ces moments d’amertume en rêves brisés, seule une ambiance intimiste pouvait les refléter. Avec l’aide d’amis précieux dont Helge Sten de Motorpsycho appelé à la production, Ola Flottum a enregistré son album dans sa salle à manger. Ses compositions sentent bon la cheminée, le craquement du bois qui se consume alors que dehors la neige recouvre le sol et que la lueur du jour disparaît peu à peu. De discussions en discussions jusque tard dans la nuit, chaque musicien a mis dans les partitions sa vision de la vie. Une vie qui se perd dans les dédales des rues sans laisser de trace.

Comme un funambule suspendu sur son fil, l’ex Salvatore nous impressionne par la maîtrise de l’orchestration, chaque instrument faisant sonner la note juste. Et on est séduit par ces chansons si fragiles, à la limite de la rupture car jouées avec le corps comme un combat contre la mort.

Au travers de titres comme « Lake », « In the garden » ou « Constant flow », la nature source d’évasion et d’inspiration est chantée d’une voix qui mesure chaque mot comme pour exorciser la désolation et l’oubli. Une symbiose avec la nature qui nous ramène à nos racines et ouvre les frontières d’un monde musical qui au fil des années agrandit sa famille.

Ainsi, These days are hard to ignore est à rapprocher du spleen des albums de Will Oldham, Labradford, Vincent Gallo ou Dakota Suite, tous ces artistes qui de leur vague à l’âme détiennent les clés d’une mélancolie apaisante et reconciliante. Alors on rêve qu’écouter Portrait Of David au bureau devient un moyen de désamorcer les conflits entre collègues de boulot. Enfin, peut-être!

-Le site de Racing Junior