Deuxième volume consacré à des relectures des oeuvres d’Ennio Morricone, Remixes vol.2 voit toute l’équipe de Compost Records s’atteler à ce projet fou. Comment s’approprier des mélodies intouchables tout en restant à la fois fidèle à l’esprit du maître italien et dégagé de son influence.


A l’évocation du simple nom d’Ennio Morricone, les images d’épopée héroïque et de westerns nous traversent instinctivement l’esprit. Le maître italien nous a appris que la qualité d’une bande son est de faire corps avec le film, de mettre en valeur l’atmosphère d’une scène tout en s’immiscant dans l’histoire. Que deviendraient Le bon, la brute et le truand, Mon nom est personne, ou encore Il était une fois en Amérique sans la musique de Morricone? Associées à ces films cultes, les oeuvres instrumentales de l’Italien n’en sont pas moins réduites qu’à l’esprit d’un film même s’il est vrai qu’une fois admis au rang de classique un score est lié à vie à certaines scènes d’action.

La grandeur de compositeurs comme Morricone, Mancini, Hermann, Schifrin est d’avoir créé d’une part une musique qui donne toute la résonance d’un film, valorise le jeu des acteurs, puis écoutée sur disque se détache de ce poids et revendique sa dimension à part entière de partition majeure à la puissance évocatrice.

De ces constats, compositeur hors pair, chef d’oeuvre mélodique, la mise à jour d’un projet de remixes autour du répertoire de Morricone peut se révéler être une tâche des plus périlleuses. Sur papier, s’attaquer aux compositions d’un des maîtres de la musique de film et de plus vouloir s’approprier les mélodies pour en donner de nouvelles interprétations a de quoi rendre perplexe. Combien de producteurs remixeurs se sont cassés les dents et depuis rasent les murs ayant cru pouvoir dépasser l’original en se mesurant à ces perles pop légendaires?

Minimisant les risques afin d’éviter le plus possible le goudron et les plumes, les musiciens gravitant autour de Compost Records se sont lancés corps et âmes dans ce travail de studio. Le résultat se trouve dans deux volumes, le premier disque étant sorti fin 2003, le second aujourd’hui.

Du tome 2, on retiendra vingt-six titres aux sonorités bien variées. Entre compositions personnelles influencées par un thème morriconien (Moonstar, Doctor Rockit, Ayro) à une relecture plus discrète des bandes son (Enochson, Bandini, Eddy and Dus, Dan Curtin), la construction des morceaux originaux a été, même si respectée, maltraitée. Tout en témoignant leur fascination pour il maestro, les remixeurs n’ont pas essayé de reproduire une copie proprette mais en déstructurant les bases ont su donner une nouvelle dimension à des morceaux perçus comme intouchables.

En travaillant les mélodies à l’image d’un concept jazz libre et improvisé, le champ d’action et d’expression s’est étendu à des formes dépouillées menant à une transfiguration complète des oeuvres revisitées. Mis à part quelques remixes signés Fussible, Gerd, Yen Sung qui auraient mérité d’accentuer l’effet d’hypnose, d’étrange dans la manipulation des formes rythmiques, peut-être un peu trop filtrées, l’ensemble fonctionne remarquablement bien. D’un bout à l’autre, la compilation étonne par sa cohérence, ses influences antagonistes au sein de chaque chanson faisant télescoper différents genres, krautrock, prog-rock, beats funky, electro minimaliste, electro-pop…

Plus inventifs les uns que les autres, chaque producteur a voulu convier l’auditeur à une sorte de western virtuel, un western peu académique que même Sergio Leone aurait dû mal à s’y retrouver. Ici, on ne risque pas de s’ennuyer, de tomber dans un formatage de sons tant l’impétuosité et l’énergie des protagonistes nous ramènent sans cesse aux dance-floors.

Magnifié par le génie des auteurs, Remixes vol.2 est un disque à l’ardeur de tous les instants, au goût du risque. En exprimant sa reconnaissance à Ennio Morricone, Compost Records a su montrer que l’électro n’est jamais aussi intéressante que lorsqu’elle se met en danger, loin des crispations et poses habituelles qui l’entourent.

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