Ceux qui se sont autoproclamés « les rois du rock » remontent sur le ring, bien décidés à remporter la ceinture poids lourd de furia punk. Mauvaise nouvelle pour les autres prétendants, Gluecifer gagne au premier round par un uppercut KO. Un album imparable qui ne laisse aucun répit à son auditeur.


Dix ans. Déjà dix années que Gluecifer loue ses bons et loyaux services pour le compte de sa sainteté Rock n’roll, c’est assez rare pour le signaler. Dans un créneau où l’espérance de vie est aussi courte que celle d’un papillon, il faut saluer ces forgerons norvégiens qui ne semblent pas avoir d’emprise sur le cruel sablier du temps. Bien sûr, les autres me répondront que les Stranglers sont toujours sur la route depuis 25 ans, mais à l’instar de ces dinosaures, le quota qualitatif ne baisse pas ici. Bien au contraire, ce sixième album de Gluecifer pourrait bien être leur meilleur. Le vieux dicton se confirme encore une fois : les bons groupes doivent rester dans l’anonymat pour continuer à pondre de bons disques.

Toujours épaulé par le producteur Käre Christoffer Vestrheim, Automatic Thrill a été enregistré entre deux tournées marathon à la fin de l’année 2002. Mais il ne faut pas s’y méprendre, ce nouvel album ne baigne pas dans les mêmes eaux que son prédécesseur. Si Basement Apes évoluait dans une sphère mélodique tout en conservant une certaine flamme rock, Automatic Thrill est un véritable incendie de forêt : sur les onze morceaux lancés ici en pature, une bonne moitié ne dépasse pas plus de trois minutes.

Le mot d’ordre « Think Big, Play Hard » a été appliqué à la lettre : le côté gentillement pop de l’album précédent a été gommé et on se retrouve face à des compos rudes et une production Bulldozer. Le son des guitares est tout bonnement énorme, ample et louche sur du Therapy?, pas vraiment metal ni punk, mais diablement efficace. Un son assez brutal qui rend honneur à des parties de guitares à la fois furibardes et élaborées. L’adrénaline est toutefois tempérée par quelques notes de theremins et autres melotrons (le psyché « Freeride ») qui laissent entendre quelques influences Nuggets, mais l’ensemble sonne très death punk.

Devant une telle levée de bouclier, on ne voit que le retour dans les parages des hostiles Turbonegro pour avoir motivé nos norvégiens à s’implanter du Botox dans les doigts. Il faut dire que la concurrence est rude dans les contrées nordiques avec toute la clique The Hives, Hellacopters et j’en passe… Il faut assurer là-bas par peur de passer pour des p’tits rigolos.

Les bons moment sont légions su cet album. « Automatic Thrill » écrase tellement tout sur son passage qu’on craint que l’herbe ne repousse pas derrière. C’est à se demander si Thor, le dieu du Tonnerre scandinave, s’est penché sur le sort de ce groupe. Il leur a forgé des guitares en acier capables de propulser des riffs d’une puissance titanesque. Au beau milieu de ce cataclysme, Biff Malibu prouve que l’on peut chanter avec verve des refrains vengeurs tout en gardant la classe d’un Brando.

« Shakin so bad » prend des allures d’une locomotive fonçant à la vitesse de l’enfer sur un pont délabré. Toujours sur la brèche, « Here Come The Pigs » déchire les tympans, alternant avec furia passages enflammés et lignes de basses menaçantes. « Car Full Of Stash » fait mieux que tout ce qu’ont pu produire les Stranglers ces vingt dernières années. Le plus fabuleux dans toute ça, c’est que ce groupe sait insuffler un mordant et une rythmique groovy à souhait qui manque sérieusement au bon milieu de cette résurgence rock.

Ce quintet d’Oslo impressionne. Franchement, cela faisait un bon moment que l’on n’avait entendu une telle fureur et un sens du riff aussi aigu. C’est bien simple, il n’y a aucun temps mort sur cet album. Une sensation de frayeur délicieuse et du très très grand art.

-Le site de Gluecifer