Un retour aux racines pour l’ex-« grand » Lee Buffalo qui, accompagné d’une pedal steel, se découvre quelques affinités rurales. Déjà l’heure de la maturité pour la voix d’or?


Au rayon des loosers magnifiques, voilà encore l’histoire d’un groupe surdoué totalement passé aux oubliettes, mais qui a écrit pourtant quelques-unes des plus belles pages de l’histoire du rock durant les années 90. Accompagné de sa magnifique locomotive, le Grant Lee Buffalo Express, le charismatique Grant Lee Phillips faisait partie de ce club très fermé d’artistes en perpétuel état de grâce (Jeff Buckley, Thom York…), capable avec son registre vocal prodigieux de nous soutirer quelques frissons et larmes de bonheur.

Etrange mélange de Gun Club, REM et Bowie période Hunky Dory, les chansons de Phillips magnifiées par Paul Kimble atteignaient un lyrisme foudroyant, le genre d’élégance grandiloquante auquelle Matthew Bellenemy (Muse) court toujours, en vain. Véritable ouragan scénique, c’était devant son public que le groupe se surpassait réellement transcendant ses mélodies spatiales teintées de poésie baroque. Un chef-d’oeuvre (Mighty Joe Moon) et quelques excellents albums plus loin, cette sublime machine s’est sabordée, dégoûtée par le manque d’intérêt croissant que l’on portait sur eux.

Voilà quatre ans, Grant Lee phillips a donc pris son baluchon ainsi que son courage à deux mains pour entamer une carrière solo. Avec un premier album rudimentaire et un second surproduit, on avait l’impression que notre homme s’était un peu perdu en cours de route et ne parvenait pas vraiment à se décomplexer de ses légendaires antécédents artistiques.

De loin son album solo le mieux produit, Virginia Creeper a pourtant été enregistré en une semaine dans une ambiance plutôt décontractée. Pas vraiment adeptes de l’overdub, les musiciens présents sont ceux de la tournée précédente, adjoints sur quelques pistes par Greg Leisz, le guitariste de Ryan Adams.
S. « Husky » Hoskulds, ingénieur du son très sollicité et au goût éclectique (Sheryl Crow, Fantômas, Turin Brakes, Tom Waits…) a été appelé à la rescousse histoire de relever un peu la sauce. Après Michael Stipe, c’est au tour de l’intouchable Jon Brion (producteur d’Aimee Mann, Fiona Apple, Rufus Wainwright) d’être invité sur quelques pistes du disques, un compagnon de longue date déjà présent sur le sous-estimé Jubilee (1998). Enfin cerise sur le gâteau, une reprise bien sentie de l’icone counrty Gram Parsons qui devrait mettre les derniers septiques au garde-à-vous.

Avec une si belle brochette d’invités, c’est donc avec un empressement un peu malsain que l’on ose déflorer ce disque. Oui, une petite appréhension au moment d’ouvrir le cellophane, un peu comme lorsqu’on reçoit le nouveau Oasis et que l’on se prend à rêver d’une fulgurance digne du premier album, vous connaissez la suite… Les propos sont plus mesurés et respectueux envers Grant Lee Phillips, mais le sentiment demeure.

On salue d’abord cette initiative de « retour aux sources » vers des horizons plus country/folk, où prédominent banjo et pedal steel. Tout cela fleure bon la Nouvelle Orléans et ses images du Mississipi et le Tom Sawyer de Mark Twain.
D’un point de vue strictement musical, le travail livré ici est irréprochable, les accompagnements sont justes, le son est dense et l’on entend siffler le bottleneck fébrilement. Cela fait un peu cliché de dire ça, mais le groupe « assure », comme on dit. Tout est propice pour nous faire embarquer sur l’un de ses fameux bateaux à vapeur si caractéristique des clichés de la Louisiane.

Voilà peut-être l’album que l’on adorerait entendre de la part de Springsteen, trop occupé à sauver le navire avec son E-Street band (et là je sens que je ne vais pas me faire que des amis!). Les ballades s’enchaînent, toujours très jolies, « Mona Lisa », « Waking Memory » et puis on attend quelque chose…
On ne sait pas trop quoi en fait. On a beau chercher la petite erreur sur Virginia Creeper, tout est irréprochable, on est d’ailleurs un peu embarrassé de ne pas comprendre ce qui cloche. Peut-être est-ce ce petit grain de folie qui caractérisait les deux premiers albums de GLB? On cherhce peut-être ce sentiment au bord de la brèche et qui se soulève au dernier moment pour aboutir à un de ces petits miracles soniques qui nous poussent à la dévotion. Alors on essaie de revenir sur ce disque pour savoir si l’on n’a pas manqué quelque chose au passage, mais l’écoute demeure polie.

On utilise souvent l’argument du passage à la maturité pour qualifier tel album d’un musicien et Virginia Creeper ne faillit pas à la rêgle. Réciproquement, c’est aussi avec un certain regret qu’on laisse filer cette insouciance, si essentielle dans le domaine du rock.

-Site [officiel->
http://www.grantleephillips.com/]