Valeur sure de chez Sub Pop, les Shins débarquent enfin en France avec leurs mélodies à la fois ambitieuses, érudites et ensoleillées. Une pop comme on n’osait plus en rêver.


Comme le disait si bien ce pervers de David Bowie, « Il n’y a que la pop musique qui compte, le reste n’est que du superflu« . Et il est vrai que l’on a beau peser le pour et le contre de cette remarque pernicieuse, la pop demeure « LE » genre musical par excellence, celui auquel tout le monde a un faible -excepté vous là-bas au fond, le gars avec un perfecto Iron Maiden.

La pop – voire Power Pop – comme nous aimons l’appeler ici, est réciproquement le genre musical le plus immédiat et le plus complexe à la fois. Il faut dire qu’une musique telle que la concevait Elliott Smiths et d’autres illustres comme les DB’s, XTC, Badfinger, Big Star ou The Left Banke n’est pas à la portée du premier songwriter venu. Cet art divin requiert un sens hors du commun pour les mélodies alambiquées, un don pour les arrangements somptueux et sans oublier – et non des moindres – être détenteur d’un sens du refrain imparable. Aie! Aie! Aie! Plus d’un s’est brûlé les ailes en plein vol, allez demander à Matthew Bellamy si l’exercice est fastoche… (je sais, je m’en prends toujours à lui et un de ses quatre un fan de Museique va tomber sur l’adresse de Pinkushion et me trucider).

Enfin, dernier conseil, si vous comptez former un groupe de power pop, mieux vaut ne pas faire de plans de carrière trop élaborés… la plupart des grands noms sont poursuivis par la malédiction du « looser magnifique » (ne vous fiez pas aux Beatles, évitez à tout prix les noms qui commencent par un B!).

Bref, tout ça pour vous dire, que lorsqu’on tient un groupe de cet acabit, on le chouchoute, on le dorlote, on le chéris, car l’on sait que la source est peu fertile.
Les Shins sont donc la huitième merveille du monde. Disponible depuis 6 mois en import US, les plus avertis n’ont pas attendu que Chutes too Narrow, deuxième album du quatuor, sorte ces jours-ci en France pour se le procurer. Ceux-là même ne se sont pas remis du choc frontal que fut Oh, Inverted World, premier album phénoménal qui alliait la générosité des La’s avec les splendeurs cachées des Kinks. Du travail d’orfèvre et surtout une musique qu’on n’osait imaginer de nos jours car tout bonnement irréelle. Voilà le genre d’oeuvre qu’on se fatigue à scruter inlassablement dans les bacs psychédéliques 60’s à la recherche de cette perfection et de cet état d’esprit que l’on pensait enfouis depuis plus de 30 ans.

La légende dit que le groupe a trouvé son équilibre lorsque James Mercer, chanteur et unique compositeur du groupe, s’est débarrassé de son second guitariste. A partir de ce moment-là, les Shins ont commencé à tutoyer le divin : Imaginez un instant Olivia Tremor Control sans son surplus d’expérimentation psychédélique, les Who de Who Sell Out cryogénisés en 2004 ou Lee Mavers faisant équipe avec Teenage Fan Club, vous aurez un petit aperçu de leur capacité créative.

Mais qu’il y a-t-il donc de si magique dans cette musique pour que j’use de tant de superlatifs, me direz-vous? Et bien, rien de bien révolutionnaire pourtant dans leur approche : des chansons dont l’ossature repose sur quelques accords de guitare, mais qui fourmillent de mélodies sucrées. Leurs chansons sont des bonbons qui nous filent des caries. Mais attention, ces gars-là battent tout le monde à plate couture dans ce créneau. Là où The Coral tente de recréer une atmosphère 60’s sans âme, les Shins eux sont devenus les ambassadeurs incontestés de la pop luminaire et élégante.

Chutes Too Narrow peut sembler à la première écoute plus acoustique et plus joyeux que son prédécesseur. Mais plus on se penche dessus, plus on se rend compte que les Shins sont bien moins inoffensifs qu’on ne pourrait le laisser penser : leurs chansons sont immédiates mais ne semblent pas avoir d’attaches sur le temps. Derrière leur aspect coloré, se cache un souci du détail presque obsessionnel. Les dix chansons offertent ici tiennent sur moins de trente minutes, mais le contenu est d’une richesse époustouflante. Et c’est là la marque des grands. « Mine’s not a High Horse » est une jolie petite chanson folk aux mimics de synthé irrésistible. « So Says I », le premier single tire de l’album, concentre sur 2 min 40 tout ce que l’on aime dans la pop : des arpèges marrants, un rythme effréné et des vocaux dans la tradition des fab four. Laissez-vous également bercer par les choeurs de « Saint Simon », peut-être bien la mélodie la plus pure que l’on ait entendu depuis « There she goes ». Que demander de plus?

Dernière remarque, si vous pensez que ce groupe est trop sage, ne vous laissez surtout pas berner par cette jolie pochette en forme de cartoon Tex Avery, certaines paroles de Mercer sont d’une noirceur étonnante. Et si vous dépliez le livret, quelques stickers en forme de crane viendront semer le trouble dans vos pensées.

Pour tout amateur de pop alambiquée et intemporelle, les Shins sont devenus tout bonnement inévitables.

NB : A noter que l’album de Flake Music, le premier groupe des Shins est aujourd’hui réédité et qu’il vaut largement le détour.

-Le site officiel du groupe
-Leur page chez Sub Pop