Ce collectif anglais propose une extension dans la lutte de l’après-rock en transmettant certaines émotions comme la peur et offrant -aussi- un côté « cinématographique » original. Immense porte bien son nom.
Le disque commence étrangement. Le disque tout entier est étrange à vrai dire. Et puis on se surprend à l’écouter en boucle, comme si on se disait qu’on y a entendu quelque chose, on ne sait trop quoi, que l’on a envie de réécouter, histoire de se faire une idée. Seulement voilà, l’idée n’étant toujours pas plus claire, on remet une couche, et encore une, jusqu’à faire de ce disque, mine de rien, un disque auquel nos oreilles restent accrochées, comme une moule à son rocher, comme une limace à une feuille.
Le groupe est composé de six gaillards, originaires de Bristol, qui sortent ici leur deuxième album après Evil Ones and Zeros en 1999. On pourrait dire que leur style, plutôt post-rock (la presse anglo-saxonne s’y perd et vient d’inventer un nouveau terme : l’Avant-rock…), s’enrichit ici de chants et là d’électronique qui apportent au genre une panoplie plus vaste de sensations en tous genres. L’album porte en tout cas très bien son nom, car il s’agit bien, écoute après écoute, de voir ce qui se cache entre les feuilles…
L’écoute de « The Bumper Book of Facts and Knowledge », nous permet de comprendre ce que l’on a pu ressentir ‘inconsciemment’. Ces violons et ces arrangements dignes d’un orchestre classique pour film d’épouvante sont d’une beauté dérangeante, qui donne envie d’en savoir plus, de voir qui se cache derrière la porte. Vous savez, ce sentiment qui nous traverse lors de la vision d’un film fantastique, où tout concourt à ne pas aller voir, mais allez savoir pourquoi, les protagonistes, au péril de leur vie et au risque de la perdre, s’aventurent dans le noir angoissant…
Une expérience auditive énormément apppréciable car trop rares que pour être signalée. Tout comme les sensations cinématographiques, elle révèle non seulement les angoisses et peurs de l’artiste -ici le/les musiciens/compositeurs- mais bien sûr aussi les nôtres.
La voix haut-perchée d’un Rocky Votolato fait étrangement penser à un Syd Barrett qui aurait oeuvré chez Radiohead, surtout sur le titre d’ouverture, « The most dangerous part », bien que cela continue sur le très rockeux « Shave the gong » qui sonne comme du Fugazi, c’est vous dire le mélange des genres…
Des explorations vers l’expérimental électronique nous sont également ici proposées : « Skitty Piano » fait étrangement penser à ce qu’un certain Thom Yorke est allé chercher dans Kid A et Amnesiac.
Parlons-en justement de ce piano, qui dans le long « 3-Year Plan » se hisse bien à la hauteur des meilleurs enregistrements de musique classique, tellement le jeu est subtil, riche, précis. Nous avons affaire à des musiciens de grande qualité, et de grande inspiration aussi. Les différents arrangements sont d’une délicatesse rare. Et l’on pense bien évidemment à Godspeed you ! black emperor, peut-être en plus abouti. Car ce qui manque à ce dernier, l’électronique et le chant, fait ici irruption de manière magique. Magique car ça marche, ça agrippe, on accroche, on aime.
« Track 20 » nous rappelle à l’ordre : l’angoisse, le thriller, le suspense de l’au-delà, la peur de l’autre côté… Cet instrumental obsédant ouvre la voie à « HMS Immense », qui joue d’abord sur l’apaisement pour déboucher sur le style Mogwai, à savoir l’explosion rock d’un combo bien dans la lignée des années 2000 qui semble donner à ce genre ses lettres de noblesse et surtout l’espace pour éclore.
Ce disque est une surprise. Une bonne surprise. Une très bonne surprise. Ce disque fera partie de mon best of de l’année 2004. Ça, pour une surprise, c’est une surprise. Cinq fois le mot surprise dans ce seul paragraphe, pas mal non ? Six…
-Le site d’Immense