Si vous cherchez un alter ego électronique à Fantômas, ne cherchez plus, car Squarepusher semble tout aussi siphonné que Mike Patton, mais dans un autre registre.


Squarepusher c’est un homme : celui de la pochette, de son vrai nom Tom Jenkinson, un jeune anglais qui sort déjà ici son septième album en autant d’années d’existence. Certains crieront au génie, d’autres au blasphème, mais force est de constater que Squarepusher, tout comme The Aphex Twin, hébergé d’ailleurs dans la même étable, la vénérable Warp records, amène son lot d’expérimentations et autres explorations sonores à même de secouer les idées reçues et surtout la musique commerciale.

Elevé par un père batteur de jazz, Tom Jenkinson, qui joue la basse et la batterie, influe à sa musique les différentes caractéristiques du genre : improvisation à tous les étages, et c’est ce qui fait la grande différence, dans le concept, avec Fantômas, chez qui tout est pensé, jusqu’au moindre détail. Mais la découverte de l’univers techno va énormément révolutionner sa façon de voir, d’écouter et de faire de la musique. Ici, Ultravisitor mêle des titres enregistrés en studio à d’autres en public. Et les envolées de basse, de synthé (il s’y est mis aussi) ou de batterie se succèdent dans un seul but apparent -et réussi- : déstabiliser l’auditeur, voire le rendre fou, tout en jouant sur le registre du jazz acoustique histoire qu’il en perde vraiment son latin.

Des titres comme « Steinbolt » ou « Menelec » sont plus qu’éprouvants. On hésite à arrêter la chose plusieurs fois pendant ces longs titres de plus de 5 minutes car ils énervent, ils agacent, mais leur nouveauté, leur structure déstructurée attire en ces temps de chaos généralisé. On croit avoir trouvé la bande sonore de notre époque, avec des images d’actualité qui défilent à tout va, à l’instar du héros d’Orange mécanique à qui on oblige à regarder, pupilles perpétuellement ouvertes, des images violentes à profusion, jusqu’au vomissement. Pour revenir à « Steinbolt », tous les bruits imaginables se succèdent, et on entend même le public crier : sans doute pour être libéré… Sur « An arched pathway », on hésite entre une musique à passer lors d’une exposition sur les peintures de Paul Klee, et entre un téléviseur resté allumé, mais sans chaîne…

Des titres plus « calmes » égrainent le disque, comme « District line », et font diablement penser à Luke Vibert dans l’utilisation d’un drum & bass pimenté de bruits de sous-marin ou autres jeux vidéo.

Cela commence d’ailleurs par le titre éponyme comme un disque Drum & bass classique (enfin, classique par rapport à ce qui suit), pour ensuite faire un tour vers un orgue très austère qui nous fait voyager dans une église… ce mélange des genres n’est pas déplaisant, il est juste déstabilisant. « I Fulcrum » lorgne du côté du jazz, avec une basse et une guitare acoustique très plaisante et douce, en comparaison de ce qui précède et de ce qui suit. C’est sur ce genre de titres aussi que l’on est étonné par le jeune âge du bonhomme car sa musique semble être le résultat d’une grande maturité à l’écoute de ce titre ou d' »Andrei ».

« Iambic 9 Poetry », qui comporte une batterie très jazzy caressée par des mini-mélodies au synthé. Mais Squarepusher n’est pas le premier à lorgner du côté du jazz, beaucoup l’ont déjà fait en Drum & Bass, à commencer par Roni Size ou Goldie, mais aussi des groupes jazz trip-hop comme Red Snapper ou The Herbaliser.

En fin de compte, on se met soudainement à regretter que Squarepusher n’est pas plutôt servi un album exclusivement jazz. Il préfère apparemment titiller nos neurones, énerver nos sens, nous stimuler d’une manière ou d’une autre, pourvu qu’il y ait une réaction. Et si elle ressemble à un pétage de plombs intégral tant mieux. On pense à l’univers du brésilien Amon Tobin aussi, en plus trituré encore (si tant faire se peut…). Les bourreaux avides de torture peuvent en tout cas se servir de cette arme massive…

Les deux derniers titres tentent de calmer nos nerfs éprouvés, avec des envolées guitaristiques acoustiques qui rentrent tout à fait dans la lignée jazz plus que classique. Comme quoi Sharepusher arrive autant à flatter qu’à énerver nos sens…

Le site de Warp Records

La chronique de Fantômas