La grande dame du rock nous revient avec un sixième album bien plus sombre et introspectif que Stories from the city…. Polly y dépeint un peu de son univers, sur treize morceaux aux sonorités minimalistes.
Son premier album date de 1992, donc si on compte bien, cela fait 13 ans que PJ sillone la planète Rock en nous balançant régulièrement une galette très inspirée, mettant en avant sa voix unique et ses idées noires. Jamais en manque d’inspiration, ni d’originalité, elle publie Dry en 1992, brulôt rageur et incisif, qui la place déjà bien à part. On parle alors de comparaison avec Patti Smith, mais ce n’est pas fondé car PJ n’a jamais entendu un de ses morceaux. Bref, on est bien embêtés car on ne sait pas trop sur quelle étagère la ranger. En 1993, elle sort Rid Of Me qui atteint des sommets de noirceur (écoutez Man Sized Sextet pour vous en rendre compte) puis To Bring You My Love en 1995, avec notamment l’excellent morceau éponyme. Is This Desire?, en 1998, change de direction, en allant lorgner du coté des rythmes electro, et des voix trip-hop comme sur The Wind . Puis Stories form the city, stories from the sea, album beaucoup plus lumineux, s’éloigne de ses précédents opus. Thom Yorke, le chanteur de Radiohead, a collaboré à 3 morceaux, et chante sur The Mess We’re In.
Elle évolue donc dans une catégorie à part, bien à elle, entourée d’amis tels que Josh Homme des Queens Of The Stone Age, le légendaire Nick Cave ou Thom Yorke. Des rockeuses comme elle, ça doit pouvoir se compter sur les doigts d’une main. Cela faisait donc quatre ans que PJ n’avait pas sorti de nouvel album. On avait pu l’entendre sur le dernier volume des Desert Sessions, la voir tourner dans des festivals (épatante au Pukkelpop 2003), ou encore contribuer au dernier Marianne Faithfull, mais on s’impatientait un peu à vrai dire. Uh Huh Her était donc attendu avec impatience : PJ allait-elle se laisser tenter par la facilité en ressortant un clone de Stories form the city, stories from the sea, plebiscité par le public et la critique, ou partir une nouvelle fois dans une direction inexplorée ?
Ce qui apparaît à la suite d’une première écoute, c’est que, cette fois-ci, les arrangements superflus n’ont pas la même place que sur l’album précédent. Des guitares au son rocailleux, une basse, un soupçon de batterie, et point barre. C’est bel et un bien un disque de Blues auquel nous avons affaire : PJ y a mis ses tripes, chante comme jamais.
On a l’impression qu’elle joue ses morceaux uniquement pour nous et nous invite à venir s’asseoir auprès d’elle : cette ambiance à la fois intimiste et oppressante est toute la force de Uh Huh Her, chacun des morceaux contient un fragment de son âme, que se soit sur « The Life And Death Of Mr. Badmouth », narrant une histoire d’amour qui a mal fini, ou sur « The Pocket Knife », expliquant qu’elle n’a aucune envie de se marier pour l’instant, et qu’avec son couteau, il ne faut pas l’embêter. C’est simple, PJ n’est pas du genre à se laisser faire, et ne veut pas tomber dans la routine. La parenté avec le Blues dans tout ça ? Cette omniprésence et toute la conviction qu’elle donne à chaque instant de l’album. C’est à cela qu’on reconnaît un grand artiste au final, non ?
La première moitié de l’album, disons jusqu’au huitième morceau, vous en met plein la vue, avec des rythmes lourds comme sur « Shame » ou « Who the Fuck », et la deuxième partie se pose en douceur, sans être forcément plus optimiste. Tous les morceaux ont été enregistrés en une seule prise, sur son 4 pistes chez elle. Ce qui explique cette intimité exceptionnelle, dont peu de songwriters peuvent véritablement se vanter de nos jours.
Cependant, si vous voulez découvrir PJ Harvey à travers cet album, vous risquez peut-être d’avoir un peu de mal : ce n’est pas son disque le plus accessible. Alors préférez peut-être un bon vieux Dry ou To Bring You My Love.
Maintenant, PJ n’a plus rien à prouver, et n’hésite pas à se livrer. C’est un album très sobre, où elle s’exprime principalement avec sa voix et sa guitare, le reste n’étant quasiment que de l’accompagnement discret.
À recommander donc uniquement à ceux qui connaissent la discographie de PJ sur le bout des doigts, ou ceux qui n’ont pas peur de faire un voyage tortueux et assez sombre, tout compte fait.
Le site de PJ Harvey