Peut-être est-ce du aux tragiques évènements de Madrid, mais les Espagnols de Migala laissent enfin exploser leur colère. Du concentré d’émotions dans une boîte de piments.
Découverte en 2001 avec le mémorable Arde via la distribution des regrettés Poplane, la musique de Migala avait chaviré le coeur des amateurs d’ambiances bucoliques et autres arrangements mélo-dramatiques dignes d’un Scott Walker « conquistador ». Bien plus qu’un album figurant sur le peloton de tête dans les classements indé de fin d’année, la musique des madrilènes s’était révélée à nous comme un féroce antidote à cette rumeur persistante qui veut que les langues latines sont incapables de battre sur leur propre terrain le rock anglo-saxon. Les américains avaient bien enregistré le message puisque l’album s’était retrouvé distribué en terrain hostile par Sub Pop.
Depuis, Migala demeure un peu la flambante vitrine internationale du label espagnol Acuarella – dont soit dit en passant les autres signatures du cru valent également amplement le détour, on pense notamment à Manta Ray.
Restos de un Incendio, sorti en 2002, revisitait le répertoire des trois premiers albums du groupe, et annonçait un retour vers une tension plus palpable. La tendance s’accentue encore sur ce nouvel album.
La Incréibile Aventura est une musique sauvage qui pousse à ses retranchements et se veut indomptable. Quelques indices nous aiguillent d’entrée : des incantations tribales ouvrent ce disque, un tigre ouvre grand sa gueule sur la pochette du disque, manière de dire que la musique se veut plus emportée et certainement plus rythmée. En vérité, le terme rythmée n’est pas exact, elle se veut plus fiévreuse et agitée. C’est peut-être pour cela que le disque ne contient que deux véritables chansons, le combo madrilène se sentant certainement plus à l’aise dans le registre vocal apaisé…
Si les tempo intimistes demeurent toujours présents, ils ne dominent plus l’ensemble. Le ton est d’ailleurs donné d’entrée de jeu sur « El Imperio Del Mal » où les guitares menaçantes et indispensables de Nacho R. Piedra établissent une sorte de passage entre énergie rock rugueuse et des arrangements mélodieux plus symphoniques. Ce sens de la dramaturge exacerbé rappelle irrémédiablement la nebuleuse Constellation.
Les thèmes développés ici donnent le sentiment d’être transporté dans un film au suspense haletant, où l’on attend la scène cruciale avec impatience, celle où tout va s’imbriquer pour enfin dévoiler le mystère de l’intrigue. Ainsi, cette musique se veut souvent bouleversante, chaque instrument (violons, batterie détonnante, piano, theremin…) y prend des proportions gigantesques et s’empile pour aboutir à une tension orgiaque, animale.
Cette tension culmine à la fin du disque avec « Lecciones De Vuelo Con Mathias Rust », une sorte de course folle contre le temps en forme de Coda, où tous les sentiments du disque se rejoignent à l’unisson et se magnifient entre eux. Bel exploit.
Seul petit bémol peut-être, on regrette qu’Abel Hernàndez n’utilise pas davantage sa voix ténébreuse, comme sur le crépusculaire « Your Star, Strangled », meilleure chanson des Tindersticks cette année, qui vous fera essuyer quelques larmes de bonheur. Le second titre chanté, l’envolé lunaire « El Gran Miercoles » n’a rien non plus à lui envier.
Entre un Galexico qui se prend des envies de Scott Walker et un GYBE ! assez dévergondé pour explorer de nouvelles pistes, Migala démontre une sérieuse aptitude à grandir au fil du temps. Muchas gracias.
Le site de Migala