Les Ecossais avant-gardistes de The Beta Band sont de retour avec un troisième album, réalisé avec l’aide de Nigel Godrich (Radiohead, Beck, Air) : certainement l’album le plus « ordonné » que le quatuor ait pondu jusqu’ici.
Heroes to zeros est en fait le quatrième opus, si on compte le premier CD -indispensable- regroupant trois EP et titré The Three EP’s. Il est plus que difficile de décrire The Beta Band à quelqu’un qui ne les a jamais écoutés, ou qui n’en a jamais entendu parler. Le groupe s’est fait connaître en 1997 via les radios universitaires américaines et le net, pour devenir très vite la sensation nec plus ultra. Ils n’aimaient pas donner d’interviews et, en règle générale, ni la promo ni tout ce qui va avec, allant jusqu’à dire que leurs disques étaient mauvais… Ce qui fait que les médias ont fini par les ignorer à leur tour. Mais ces derniers n’ont pu ignorer le succès de la bande à Beta (…) ni ceux-ci continuer à cracher dans la soupe, ce qui fait qu’ils se sont tout de même retrouvés sur un terrain d’entente.
Tout ceci pour dire qu’un groupe qui ne veut pas emprunter les sentiers de la gloire médiatique se doit d’assurer sa propre aura via les concerts, et c’est ce que nos écossais ont choisi de faire, en se taillant une réputation d’enfer en la matière, n’hésitant pas à débarquer en tenue de cosmonaute sur scène. Il est bien difficile de décrire l’ambiance plus que jouissive qui règne à leurs concerts, où chacun des quatre protagonistes, multi-instrumentistes plus que talentueux, se chargent, à tour de rôle ou ensemble (deux batteries trônent à l’arrière) de faire passer le message, leur message. Voire de faire passer ses idées, car The Beta Band est aussi engagé politiquement. Ils ont par exemple dénoncé la collaboration de Blair à la guerre de Bush. Mais enfin, venant d’Ecossais, on est tenté de dire que l’occasion fait le larron…
Ceci dit, ils ont le sens du spectacle et de la scène. Leur tournée actuelle donne à voir plusieurs écrans (un grand dans le fond, deux sur les côtés) qui diffusent, déjà pour nous mettre dans l’ambiance, un petit court métrage à la Tarantino (cuvée Kill Bill), puis toutes sortes d’images qui poussent le spectateur à se poser pas mal de questions sur la drôle d’époque que nous vivons, mais aussi des images « sans but », à la manière de Pink Floyd tentant leur créativité selon les drogues ingurgitées (ceci dit, ceux-ci ne boivent que de l’eau…). Et cette dernière référence est plus qu’évidente en ce qui concerne cette obsession de l’expérimentation sonore, du laboratoire de sons en tous genres, piqués autant à des tribus africaines qu’à des extra-terrestres issus de l’imagination débordante de … terrestres. Mais vu que c’est pour la joie d’autres terrestres, on est bien sur la même longueur d’ondes.
Heroes to Zeros respecte le style plus qu’hybride du groupe. Ayant tous un esprit très ouvert, leur musique tente de rendre hommage à chacune de leurs discothèques respectives, qui semblent n’omettre aucun style musical mais tout de même privilégier le rock planant et progressif, le funk, le hip-hop et l’électro. Cette liste n’étant vraiment pas exhaustive. Alors, autant sur les trois premiers EP cette mélasse était plutôt facile à digérer (bien que les titres pouvaient afficher les 15 minutes au compteur), autant les deux premiers albums ont semblé parfois frôler le fourre-tout parfois bizarre, avec ses mélanges détonnants de musique classique et de rap, de country et de punk. Une chose est sûre : ils ne donnent pas dans la facilité.
Ici, le groupe s’est visiblement donné pour consigne de pondre un album plus concis, avec des titres peut-être plus courts mais qui se tiennent et qui ne partent pas dans tous les sens. Certains seront peut-être déçus par cette nouvelle façon de faire plus conventionnelle (serait-ce la patte de Nigel Godrich ?), mais en même temps cela montre qu’ils savent aussi faire des brainstorming à même de ne garder que le nectar, au risque de laisser la pulpe dans le fond. Rassurez-vous, ce n’est pas aussi clean que ça en a l’air…
Le mélange est toujours là, oui, mais il se fait moins endéans les chansons, ce qui caractérisait leur marque de fabrique sur les oeuvres précédentes. « Assessment » tente de montrer les prouesses rock planantes auxquelles le groupe peut s’adonner, avec ses moments de folie et ses accélérations agrémentées de cuivres rutilants. « Space » est bien dans la lignée Pink Floyd, auxquels on ne les comparera jamais assez. « Easy » est un formidable hommage au « Superstition » de Stevie Wonder, et montre encore une fois la faiblesse que le groupe affectionne à ce type de musique.
Les ballades sont nombreuses sur la galette (« Troubles », « Out-sides », « Space Beatle »), et mettent autant en valeur leurs qualités d’écriture que de performance. Ce sont d’ailleurs celles-ci qui donnent cette impression de conventionnalité à l’ensemble. L’utilisation ici ou là de percussions, de samples ou du xylophone rappellent toutefois que l’esprit Beta band n’est pas mort pour autant.
Donc, pour résumer et conclure : ceux qui aimaient The Beta Band ne devraient pas être déçus. Quand à ceux qui ne connaissent pas, mieux vaut se plonger dans leur univers avec cette galette qu’avec les deux précédentes.
Le site de The Beta Band