Badly Draw Boy est de retour avec ce qui l’a fait connaître : des mélodies qui sentent bon la nostagie et une philosophie de la vie plutôt zen. Un sacré Graal à vrai dire…


Badly Drawn Boy, à juger par les disques qu’il sort, doit avoir pour sûr deux grandes qualités : le sens de la mélodie et du goût en général, et puis, surtout, le sens du détail. Il y a des perfectionnistes qui n’arrivent à rien, il y en a qui font des prouesses. Badly Drawn Boy (traduire littéralement ‘bonhomme mal dessiné’) aka Damon Gough, avec son allure de barbu trapu mal fagoté et négligé, illustre à merveille l’idée que ce qui compte se trouve à l’intérieur. En effet, on n’imagine pas les pépites qu’il cache derrière cette façade pas très reluisante.

A l’instar de son site, très bien fichu, Badly Drawn Boy est comme un magasin de jouets dans lequel l’auditeur, tel un enfant curieux de tout se promène et y trouve au fil des écoutes, des chansons superbes, et autant d’expressions de sentiments et émotions…

Après deux EP de très grande qualité déjà, repris dans How did I get here?, Badly Drawn Boy sort un premier album, The Hour of Bewilderbeast en 2000, remarqué par toute la presse spécialisée. C’est un album émouvant, sensible, d’une très grande qualité musicale. En 2002, l’homme se fait prolixe et sort deux galettes : la musique du film About A Boy et Have You Fed The Fish?. Il est également connu pour avoir collaboré à UNKLE, l’album de James Lavelle et DJ Shadow. Enfin, il gère une maison de disques : Twisted Nerve, qui outre lui-même compte Alfie dans ses artistes maison. On a donc affaire à un workoolique du monde musical.

One Plus One Equals One revient à ses amours premières 🙁Back to being who I was before chante-t-il dès le titre d’entrée), sorte de résurrection après Have you fed the Fish ? enregistré en grandes pompes à LA. Gough s’y essayait à faire comme les autres, mais ne s’en démarquait plus trop et c’est ce qui posait problème. Le retour d’Andy Votel à la production et l’enregistrement sans fioritures, quasiment en face de chez lui, y sont certainement pour quelque chose dans ce son épuré, honnête serait-on tenté de dire.

Ici les arrangements, leur finesse surtout, la précision du tout, le temps que demande l’écoute du disque à l’auditeur (avant d’en tomber littéralement amoureux), rappelle méchamment The Hour of Bewilderbeast. On dirait que Damon Cough s’est laissé aller, n’écoutant que lui-même : Au diable les ventes de disques mirobolantes qui seraient basées sur des recettes que nul n’a encore véritablement trouvé ! Place au vrai !

Beaucoup de piano et de guitare (ses deux instruments de prédilection), d’arrangements faisant appel au modus operandi de la musique classique (orchestres, violons, flûtes) (écoutez « The Blossoms ») sont présents. Mais aussi une grande imagination dans la section rythmique, toutes cymbales au devant (« Holy Grail »), dans les cuivres (qui rappellent Calexico -« Another devil dies » – ou le jazz –« Stockport »-, du jazz pur et dur même). Le jazz est peut-être la grande nouveauté -guère étonnante- dans l’évolution de BDB.

La musique est teintée de mélancolie mais est tout à la fois réjouissante, gaie, et ce contraste prend l’auditeur à contre-pied. On a même droit à une chorale d’enfants sur deux titres : « The Year of the Rat » et « Holy grail ». On pense au Colour of Spring de Talk Talk, et pas seulement à cause de ce dernier point.

Des chansons comme « Four Leaf Clover » sont tout simplement magiques. Il s’en dégage un naturel qui est à mille lieues de toutes les poses que prennent certains. Et en écoutant « Fewer words », bien que courte (1.13), on se dit qu’on se trouve bien devant un petit génie de la mélodie acoustique et de l’arrangement. Les ballades se succèdent et chacune semble être plus belle (si tant faire se peut) que la précédente. Son chant doucereux, formidablement accompagné par des instruments ou des choeurs très joyeux séduisent dès la première écoute et ne vont qu’en s’accroissant au fil des écoutes.

Les paroles, et la musique qui les accompagne, avec ses crescendos appuyés sur « Takes the glory » illustrent parfaitement la philosophie de ce grand monsieur qu’est Damon Gough : Summer feels like it’s over, Winter is on the way, Summer takes all the glory, blue skies turn into grey, to live in the hearts of those that you love is not to die, like when I heard silence is gold I never saw why….

Le bien nommé « Holy Grail » clôt admirablement l’album. Il brasse tout l’album en un seul titre et c’est sublime. Magique. Pas si mal dessiné que ça le bonhomme…

Le site -remarquable- de Badly Draw Boy