A contrario de Fantômas, Mike Patton prouve par cette collaboration avec Eyvind Kang qu’il sait aussi -bien- faire dans le format classique que dans l’expérimétal. Très bel album.


On sait que Mike Patton n’en est plus à une contradiction près. 0n sait aussi que tout disque estampillé de l’étiquette “avec la collaboration de Mike Patton” n’est pas forcément gage de qualité, mais toujours preuve de curiosité et d’ouverture d’esprit. Il semble en tout cas être un workaholic acharné, car depuis Faith No More, les projets du bonhomme dépassent l’entendement.

Après Fantômas en début d’année et sa collaboration au dernier Björk récemment, tout en passant par le rappeur Rahzel, c’est au canadien Eyvind Kang que l’on a affaire ici. Les deux collaborateurs se sont connus grâce à Mr Bungle (seul groupe de Patton antérieur, contemporain et post-Faith No More).

Eyvind est un violoniste/compositeur underground, (si tant est que cette appellation puisse exister) qui a collaboré avec John Zorn, Sun City Girls, Bill Frisell, Wayne Horvitz, We et Laurie Anderson. C’est ici sa -déjà- sixième galette. Elle a la particularité d’avoir été enregistrée live à Bologne (ville préférée en Europe de Mike, qui parle à la perfection l’italien) au festival Angelica, avec le sieur Patton (voix et électronique). A la tête du Playground Ensemble, orchestre de quelques 22 musiciens -pour la plupart italiens, Kang y brille par son jeu de violon. Le disque est hébergé chez Ipecac, qui n’est autre que le label de l’ancien vocaliste de Faith no more.

Bon, passons à l’écoute du phénomène maintenant. Qu’une chose soit précisée d’emblée : ce disque est très proche de la catégorie ‘musique classique’, et plus précisément les compositeurs utilisés pour le decorum de films. On se rappelle que dans l’interview des comparses de Patton dans Fantômas avouaient l’envie de Mike de travailler dans la composition de musiques de films. On comprend que c’est ici probablement que le bonhomme y a pris goût, puisque c’est antérieur au Director’s Cut.

« Go in a good way to a better place » installe l’auditeur dans une atmosphère mélancolique, avec une musique qui n’est pas sans rappeler les grands films de Visconti ou de Bertolucci, avec des petites pointes orientales du plus bel effet. « I am the dead » et sa guitare offrent une vision un chouïa rock parmi la nappe de violons. La voix en crescendo de Patton, qui sait aussi se faire suave, y distille une ambiance de retour des morts vivants…

« Doorway to the Sun », une pièce exquise de près de 20 minutes, est une fantastique ballade au pays du soleil levant (d’où le titre probablement), avec ses gongs, ses percussions chinoises et son violon utilisé à même la main, comme une guitare. L’opéra chinois, qui est une des musiques les plus complexes qui soient pour tout occidental, trouve ici la juste mesure pour séduire l’auditeur.

La guitare flamenco s’invite sur « Harbour of the Nade » et le petit orchestre typiquement italien, qui semble répéter à l’orée du jour, sur la place centrale du petit village caractérise le farniente comme idéal.

Les deux derniers titres, « Innocent eye, Crystal See » et « Marriage of days », outre qu’ils distillent des sonorités orientales plus enjouées, sont les deux autres titres où Patton y chante de manière plus conventionnelle (même si ce mot pour Patton n’a pas beaucoup de sens…), accompagné d’une trompette. Il chante aussi ailleurs, mais je vous laisse le bénéfice de la surprise… Il montre en tout cas, encore une fois, ses énormes talents de chanteur. Peut-être même le plus grand actuellement. Le fait qu’il ne choisisse jamais la facilité fait qu’il passe entre les mailles des médias. Dommage.

Ce disque est merveilleux à plus d’un titre. C’est surtout une excellente surprise et la preuve que Patton sait aussi faire dans le structurel et dans ce qui semble avoir plus de sens.

Un site dédié à Eyvind Kang

Le site d’Ipecac