Rien à voir ici avec l’album bâclé de Tricky, ces post-rockers viennois livrent ici une oeuvre ambient d’une précision chirurgicale, limite nucléaire. Prière de ne pas trop y coller ses oreilles par risque de rester irradié.


Finalement, écrire des chroniques, peut s’apparenter à de la course à pied. Il y a une certaine discipline à laquelle il faut se tenir, la travailler régulièrement, sinon on peut très vite perdre son souffle. Au sein même de l’effort fournis, il existe beaucoup de similitudes : on a beaucoup de mal à démarrer, et puis petit à petit on prend son altitude et lorsque l’épreuve est terminée, et bien on se sent bien, plutôt content d’avoir évacué ce trop plein d’énergie.

Souvent durant le processus d’écriture, on a l’impression d’avoir torché cette même chronique des milliers de fois, mais les variantes changent selon notre degré d’implication. En ce qui concerne les chroniques des albums de post-rock, l’exercice de style est peut-être l’un des plus éprouvants. Souvent les même adjectifs nous reviennent pour évoquer le genre, et plus on a lu de chroniques à ce sujet, plus on se rend compte que pour sortir du lot, la chose n’est pas aisée.

La musique du trio viennois Radian, bien que fascinante, ne faillit pas à la rêgle. On a un peu de mal à en parler sans tomber dans les schémas descriptifs habituels et inhérents au genre, malgré la complexité de l’oeuvre que nous avons en face de nous. Parfois, il vaut mieux rester dans l’abstrait plutôt que de tenter de rester dans le soucis du détail et complexifier ce que l’on entend.

Second album produit par John McEntire (Stereolab, Tortoise), déjà présent sur Rec.extern paru l’année dernière, Juxtaposition porte bien son nom. Tous les instruments live (batterie, basse, guitare, vibraphone) ont été joués et enregistrés à travers des synthétiseurs pour être retraités sur ordinateur. Les arrangements électroniques ont ainsi pu coller aux textures humaines avec davantage de minutie, d’où le titre donné à ce nouvel effort studio.

« Vertigo », est le résultat parfais de cette alliance entre une rythmique chaude et un environnement métallique. Autre exemple « Rapid Eye Movemement », n’est pas un hommage au groupe de Michael Stipe, mais parvient à faire sonner mélodieux le bruit blanc. Une sorte de Metal Machine Music de Lou Reed habillé des triturages épileptiques d’un Autechre, en somme.

Bien qu’hébergé chez Thrill Jockey, le travail poussé de Radian sur le feedback laisserait plutôt pencher leurs influences vers le label avant-gardiste Kranky et les expérimentations brumeuses de Keith Fullerton Whitman et Growing. Léger détail tout de même, l’habillage électronique y est ici d’un pointillisme rare et les passages ambient restent mélodieux, certaines atmosphères lunaires tendent même parfois vers Sigur Ros.

Dominé par un feedback cotonneux, il plane derrière cette musique « progressive » un arrière-fond d’usine sidérurgique. Cette énorme bulle d’hydrogène cache en second plan une activité incessante : soudure, brisure, scie à métaux, combustion, gaz carbonique… tout y passe. Mais que fabriquent-ils donc ? Peut-être bien la première machine à téléportation. Car si une musique devait refléter ce voyage à la vitesse de la lumière à travers des cables électriques, Radian s’en rapproche fortement.

-Le site officel de Radian

-Radian, sur le site de Thrill Jockey