Premier volume de l’émission culte de Nicolas Saada sur Radio Nova, dédiée aux bandes-son obscures. Une sélection érudite, mais dénuée de snobisme, où le bon goût l’emporte sur l’effet de style.


Quentin Tarantino aurait-il, comme John Kerry candidat malheureux (et nous avec…) à l’élection présidentielle américaine, un cousin français en la personne de Nicolas Saada ? On vous rassure, le spécialiste de musique de films qu’est Saada n’a rien à voir avec Brice Lalonde… Mais les merveilles qu’il a sélectionnées pour « Nova fait son cinéma » pourraient très bien figurer dans un film de cinéphile aux bandes-son mosaïques, comme sait si bien les faire Tarantino.

Car, Nicolas Saada a, lui aussi, pour pari de faire découvrir les compositeurs les moins connus. Un pot géant de pop-corn à qui connaissait déjà Jürgen Knieper, Armando Trovaioli ou Masaru Satoh ! A moins que vous n’ayez été des auditeurs extrêmement assidus de l’émission de Saada – qui donne son nom à cette magnifique compilation – sur Radio Nova… Saada a fait des choix musicaux précis, dans l’idée que la musique de film est un genre plus que respectable et d’une grande puissance évocatrice. Plus qu’une oeuvre de commande, la musique de film est une oeuvre personnelle et forte, quand elle est confiée à des compositeurs inspirés.

Attention, Saada n’est pas snob : il a aussi sélectionné des grands noms de la BO, mais s’est attaché là encore à débusquer des curiosités, dont il est a priori difficile de retrouver la signature. Les morceaux d’Ennio Morricone, de John Williams et d’Henri Mancini sont sombres et lancinants. On est très loin des explosions de cuivres des westerns spaghettis de Leone, des orchestres symphoniques de « Star Wars » ou des airs jazzy et pop de « The Party »… Des compositions relativement atypiques donc dans la discographie de compositeurs de bandes-son plutôt exubérantes et spectaculaires.

Hormis quelques exceptions, la tonalité des titres sélectionnés est donc rarement légère et enlevée. Certes, les tonalités ne sont pas toujours identiques. Les très belles valses de Paul Misraki et de Miklos Rosza sont aussi mélancoliques que sont inquiétants les thèmes très 70’s de John Williams, de Ihe Vampire Sound Incorporation (dont on trouvait un morceau dans la BO de « Jackie Brown » de l’ami Tarantino), ou des Goblin, groupe fétiche de Dario Argento, dont le « Mad Puppet » fait froid dans le dos… Mais, ces thèmes partagent les mêmes lignes épurées et minimalistes.

Pourtant, ceux qui seraient plus friands de thèmes plus enlevés et cuivrés devraient également trouver leur bonheur avec l’incroyable « Shifting Gears » de Lalo Schifrin, qui rugit, entre jazz et funk, au rythme du moteur de la Ford Mustang de l’inspecteur Bullit. Il y a aussi « The Pursuit » de Bernard Herrman, qui annonce son travail pour Hitchcock dans « La mort aux trousses ». Ou encore un thème énergique de David Shire pour « The Taling of Pelham 123, un polar « surtout connu pour avoir donné l’idée à Tarantino (décidément…) de personnages aux noms de couleurs dans « Reservoir Dogs » », précise Saada. Et enfin, pour siffler de bonheur, une écoute en boucle de « Masquerade » d’Armando Trovaioli, d’une élégance et d’une légèreté toute italienne, s’impose.

Moins convaincants sont les morceaux des compositeurs français Cosma, Legrand et Delerue, qui dénotent un peu dans cet ensemble jusque là très classieux. Des regrets aussi concernant les compositeurs de la nouvelle génération. Quid des Thomas Newman (« American Beauty », « The Player »), Carter Burwell (« Fargo » et tous les autres films des frères Coen) et Danny Elfman (« L’étrange Noël de M. Jack » et autres réalisations de Tim Burton) ? Mais le grand absent est Jerry Goldsmith dont la magnifique composition jazzy pour « Chinatown » aurait complété parfaitement cette sélection experte. Dans un second volume peut-être ?

L’émission de Nicolas Saada, « Nova fait son cinéma », est diffusée tous les dimanches soirs de 20 h à 21 h, sur Radio Nova.