Un français iconoclaste ouvre des portes vers des contrées inexplorées, mélangeant jazz, folk, post-rock et pop toujours avec un sens esthétique rigoureux.


Malgré un succès confiné, Nicolas Laureau, plus connu sous l’appellation Don Nino, n’est pas un petit nouveau, et se distingue même comme l’un des activistes les plus intéressants et aventureux du microcosme indépendant français.

Dès 1989, le parisien se distingue en tant que guitariste/chanteur avec les fougueux rocker de Prohibition, puis lorsque le groupe jette l’éponge, il fonde l’élégant label Prohibited Records (Herman Dune, Mendelson…). Patron de label, Nicolas Laureau ne reste pas moins inactif artistiquement, menant sa barque avec deux projets passionnants et pour le moins aventureux, NLF3 (trio) et son jardin secret Don Nino. Voilà trois ans, son premier album solo Real Seasons Make Reasons s’était révélé une bien belle réussite, parvenant à brasser avec modernité rock lo-fi à des incursions Bossa, jazz, ou electro.

Enregistré à la maison, On The Bright Scale est un disque à la fois intime et chaleureux. Intime car les douze compositions offertes suivent le cheminement d’un musicien qui n’en fait qu’à sa tête, brouillant inlassablement les pistes. Enfin chaleureuse car cette musique a beau être aventureuse, elle reste toujours hospitalière, à l’instar des crépitements autour d’“ A Thousand Lights”, une des sublimes ballade folk de ce disque, un signe qui nous indique qu’on a frappé à la bonne porte.

Première impression, cette notion de silence, assez cinématique avec des progressions pour le moins troublantes, qui bousculent le carcan rock. On pense beaucoup à Laughing Stock, champs d’adieu de Talk Talk et oeuvre séminale qui a enfanté bon nombre de musiques passionnantes (Jim O’Rourke, Tortoise, et un bon quart de la production post rock).

Tout comme Laughing Stock, On The Bright Scale brise les tabous, usant des instruments acoustique à sa portée pour le moins iconoclaste : Melodica, toy piano, Glockenspiel, Kalimba, percussions… Autour de certaines plages, on ne peut plus vraiment d’ailleurs mentionner le terme de chansons, tant parfois les constructions éclatées laissent apparaître une volonté esthétique qui pousse davantage vers le Jazz, des sonorités latines, tribales africaines ou Krautrock. chez Don Nino, toutes ces influences prennent place autour de son héritage rock, mais le musicien parvient à s’écarter des schémas faciles et usuels, pour en tirer une matière vierge.

Le français ne délaisse pas pour autant l’aspect mélodique mais aime visible tordre ses progressions d’accord de piano comme sur Seasons Seeds Seas, où laisser s’émanciper un piano rêveur autour d’un thème répétitif, ou tantôt virer épique sur “Eli Said” lorsqu’un piano voluptueux occupe l’espace. Plus loin l’humeur se fait schizophrène sur le bancal “Always Like That”…

Nous avons donc affaire à une palette de couleurs assez imposante, souvent très belle, ou qui peut par moment laisse perplexe. Mais là est certainement le but, provoquer des réactions chez l’auditeur, faire goûter de nouvelles saveurs. A ce moment-là, le pari est gagné. Une richesse de son dont on n’a pas fini de faire le tour.

-Le site de Prohibited Records