Les Killers entretiennent avec nous un rapport amour/haine, écartelés entre un lyrisme bonoesque et une impressionnante collection de pop-songs imparables. Ils ont osé les bougres.
Il faut l’avouer, on a écarté cet album pendant un bon moment de notre bulle musicale. Pourquoi ? Et bien en ligne de mire de ce disque des « tueurs », une première écoute plus portée sur des a priori que sur un réel sens critique, mais tout de même avec des arguments de poids :
– Un énième groupe en “The”.
– Un certain blocage sur le côté épique à la U2 stadium.
– Des synthés boursouflés qu’on n’avait plus entendu depuis les Simple Minds période « Don’t you (forget about me) ».
– Des belles gueules à la Strokes qui laissent entrevoir un énorme potentiel pour la prochaine campagne de fringues Agnes. B (il y a déjà une pub qui circule à la télé avec “Mr Brightside”).
Oui, on était un peu gêné par autant d’arguments qui vont un peu à l’encontre des principes que l’on se fait de l’image d’un groupe de rock crédible. Et puis manque de pot pour les Killers, Hot Fuss est tombé en même temps que celui de Frausdots, superbe disque de revival néo-romantisme 80’s. Notre sixième sens se dirigeait logiquement vers ces cousins californiens définitivement moins exubérants.
Et puis, alors que U2 semble vouloir faire un pas en arrière (un seul morceau comestible sur son dernier album – celui avec Brian Eno – le reste sonne comme une parodie de… U2. Un comble pour le groupe le plus parodié au monde). Et puis Hot Fuss a fait son chemin, une écoute distraite par-ci par là, on y est revenu, en se disant que les Killers ne se débrouillaient pas si mal que ça finalement.
Ce quatuor au nom inspiré par des clones rocks dans un clip de New Order (“Crystal”), malgré ses flagrantes influences britones, est Américain, plus précisément originaire de Las Vegas. On apprend donc en même temps qu’il y a une scène musicale là-bas, coincé entre les machines à sous, Céline Dion et les clones d’Elvis. Pas très propice au rock tout ça…
Formé en 2002, Brandon Flowers (chant/clavier) David Keuning (guitare), Mark Stoermer (basse) et Ronnie Vannucci (fûts) avaient donc peu de chance pour décrocher la timbale. On peut aussi prendre le problème en sens inverse et se dire qu’ils ont un sacré mérite d’avoir émergé d’un tel paradis du superficiel. Ils en ont d’ailleurs gardé des séquelles. Car visible, ce groupe a énormément d’ambition et son leader Brendan Flowers, ne s’en cache pas : écrire des chansons flamboyantes, percutantes et d’une efficacité proprement redoutable.
Si l’on revient sur ce disque, c’est qu’on a beau se voiler la face, ces pop-songs sont un véritable piège. Les cinq premiers titres s’empilent comme un mur de briques devant nous, impossible de passer outre : refrain percutant sur “Mr Brightside”, un riff synthé débile et jouissif sur “Smile Like You Mean It”, des accélérations soniques sur “Somebody Told Me”… et même un hymne rock “Glamorous Indie Rock & Roll””.
Parfois, on est à la limite d’avoir franchi la barrière du ridicule, et bien sûr Hot Fuss est loin d’être parfait (deux/trois flagrants titres de remplissage : “On top”, “Everything Will Be allright”). Il faut oser tout de même se payer en 2004 un solo de synthétiseur aussi pompier que sur “Jenny Was a Friend Of Mine” ou bien un choeur gospel monumental sur “Andy You’re a Star”, faisant passer Bono Vox période Rattle and Hum pour Pee-wee. Mais lorsque les Killers se montrent inspirés, leurs brulôts sont tout bonnement indétrônables. D’où une certaine ambiguïté qui nous laisse parfois le cul entre deux chaises.
En vérité, chez les Killers tout sonne comme du déjà vu : leur nom, leurs chansons et même leurs gueules. On peut tirer de ce constat un plagiat pur et simple, ou la marque d’un grand groupe à l’ouverture déconcertante. Quant à moi, je suis un vendu et capitule devant tant de faiblesses. Je rends mon badge de rock critic et part m’infliger 50 écoutes ininterrompues du dernier cd « La Star Ac’ reprend Charles Aznavour ».
-Le site des Killers