Grand Drive n’est certes pas un groupe qui va révolutionner le rock ni même la pop. Mais leur dernier album, The lights in this town are too many to count, recèle quelques pépites aux textes ciselés et riches en images, comme « The Real Thing » ou « Maybe I’m a Winner ». Des titres dignes de REM ou Neil Young. Si leur musique louche en effet beaucoup du côté de leurs grands frères américains, ce groupe londonien proche de Badly Drawn Boy ajoute à sa musique une sensibilité typiquement british. Une sensibilité que l’on perçoit encore mieux sur scène où les frères Wilson (Danny au chant et à la guitare, et Julian aux claviers) et Ed Balch (bassiste) restituent fort élégamment la délicatesse pop de leur musique.


Pinkushion : Quelles sont vos influences musicales ? Avez-vous l’impression d’appartenir à un genre bien particulier ?

Julian Wilson : Je pense que nous nous sentons proches de certains groupes, avec qui nous partageons la même sensibilité, mais nous n’avons pas l’impression d’appartenir à un genre bien spécifique. Ce sont surtout des groupes avec lesquels on joue, comme les Jayhawks. Nous avons fait une tournée avec eux. Notre musique est aussi proche de celle de Badly Drawn Boy. Nous venons du même endroit, mais ça ne veut pas dire qu’on porte les mêmes costards.

Votre musique semble inspirée par plein d’influences différentes, tant américaines que britanniques.


Julian :
Si vous écoutez beaucoup de bons disques, et si votre vie est assez intéressante, vous devez être capable d’écrire une bonne chanson. Si cela ressemble à d’autres groupes, c’est un accident de l’instinct.

Danny Wilson : Nous n’essayons pas de ressembler à qui que ce soit. Nous ne cherchons pas à être dans l’air du temps, ou à nous habiller comme d’autres groupes.

J’ai ressenti une grande proximité musicale avec R.E.M.. Qu’en pensez-vous ?

Danny : R.E.M. essaye d’écrire des chansons dont les mélodies attirent le plus de gens possibles. C’est également notre cas. Nous aimons les chansons qu’on peut reprendre, qu’elles soient de Beyoncé ou de Simon & Garfunkel, peu importe. Il y a une similarité dans le son, et dans les goûts musicaux : je sais qu’ils aiment les Beach Boys, Richard Thompson, les Byrds, et nous aussi.
Nous avons rencontré Mike Mills à Austin, Texas, d’ailleurs. Nous lui avons donné notre album. S’ils appellent pour nous proposer de les accompagner en tournée…

Julian : … nous serons là !

Danny : C’est clair. Mais, je ne pense pas que ça arrivera, parce que comme U2, R.E.M. cherche des groupes plus « tendance » pour leur première partie. Nous ne donnerions pas à R.E.M. un air plus cool, à la différence des Strokes, qui les accompagnent en ce moment.

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Vous n’avez aucun préjugé à l’égard d’un style musical ?

Danny : Non, je peux écouter aussi bien un disque des Beatles, que de Willie Nelson ou de Black Sabbath, mais il serait difficile de déceler l’influence de ce dernier sur notre musique…

Julian : Nous allons y travailler. (Rires)


Danny :
Pour le prochain disque !

Vous parlez beaucoup d’amour dans vos chansons. Pensez-vous que l’amour est un jeu où l’on perd, comme vous semblez le dire dans la chanson « Maybe I’m a Winner » ?

Julian : Je ne pense pas que l’on parle de l’amour autant que les gens le pensent. « Maybe I’m a Winner » ne parle pas d’amour. Elle parle des relations de couple, que cela soit avec soi-même dans le miroir, entre nous trois, ou avec le monde en général.


Danny :
Les chansons d’amour ne parlent pas toutes des filles.

Julian : Elles peuvent parler de musique, ou…

Danny : … de garçons. Enfin, pas sur cet album. (rires)

Comment le ton très personnel de vos chansons est-il perçu par votre public ?

Danny : Les gens qui nous écoutent s’identifient beaucoup aux paroles de nos chansons. Nous en sommes très fiers.

Julian : En Norvège, un type est venu après le concert pour nous parler d’une chanson de notre précédent album, « Last Train To Heaven ». Il nous a dit que sa petite amie venait de le quitter et que cette chanson décrivait exactement ce qu’il ressentait. Et il nous a alors demandé d’écrire une lettre à la femme avec qui il venait de rompre… C’était assez bizarre !

Danny : Un couple nous a écrit pour nous dire qu’ils avaient utilisé « No Doubt About it », une chanson d’amour de notre précédent album, pour leur première danse à leur mariage.

Votre musique est très cinématographique. Les gens les écoutent peut-être comme la bande-son de leur vie ?

Julian : C’est ce qu’est la pop music pour moi, et ce qui a toujours été. C’est un très beau nom de groupe, d’ailleurs.

Certaines de vos chansons semblent avoir un thème répétitif comme dans « Your Final Hour » et « The Real Thing », comme si vous vouliez suggérer que l’amour et les relations de couple qui vont et viennent.

Danny : C’est l’un des thèmes. Mais, nous n’essayons pas d’apporter de réponse définitive aux questions que l’on pose dans nos chansons.

Julian : Quand nous avons sorti notre précédent album, nous étions encore des gamins. Depuis, nous avons eu des enfants et devons gagner notre vie. C’est peut-être la raison pour laquelle ces thèmes reviennent beaucoup. La vie réelle ne l’a jamais autant été, pour nous.

Votre dernier album est donc celui de la maturité ?

Julian : Oui, ou au moins, il s’en approche. On veut regarder la vie en face.

Vivez-vous de votre musique ?

Julian : Oui, en ce moment, ça va.

Danny (ironique) : On en a marre de la réalité, de toute façon. Le prochain album traitera de Saint Georges et le dragon…

Julian : Le seigneur des anneaux, c’est ça ?

Danny : On va faire un show sur la glace à Londres… (rires)

Les prières que vous adressez à Sainte Rita [NDLR la patronne des causes désespérées] dans « Santa Rita » ont-elles abouti ? Etes-vous riche-et-célèbre ?

Danny : Nous avons besoin d’argent pour vivre mais nous ne faisons pas de la musique pour l’argent ou la gloire.

Julian : Cette chanson n’est pas une prière pour avoir plus de succès. Plus de sexe, peut-être…

Danny : C’est une chanson censée être légèrement humoristique. Quand un groupe écrit une chanson adressée à Sainte Rita dans son quatrième album, c’est un peu ironique.

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Enfin, quels sont vos cinq albums préférés ?

Julian : Curtis de Curtis Mayfield. Cet album a tout ce qu’il faut.

Danny : Je ne peux choisir mon album préféré. Mais, celui que je préfère en ce moment est I want to see the bright lights tonight de Richard Thompson.

Julian : Le premier album de Rufus Wainwright.

Ed : Un album de Van Morrison.

Danny et Julian : Lequel ?

Ed : Je vais en choisir deux et vous trancherez… Tupelo Honey ou Saint Dominic’s Preview.

Julian : Allez Saint Dominic’s Preview ! Il y a dans cet album une chanson qui s’appelle « Redwood Tree », qui a tout ce qu’il faut. Elle est par-faite ! C’est l’histoire d’un garçon qui part avec son chien à la recherche d’un arc-en-ciel. Puis le garçon perd le chien, et part avec son père à sa recherche. C’est une chanson très simple et très chaleureuse.

Ed Balch : Darkness in the edge of town de Bruce Springsteen.

Pourquoi celui-ci ?

Ed : Parce qu’il y a « Racing in the streets », qui est la chanson que je préfère de Springsteen.

Julian : Springsteen est LA référence musicale qui a eu la plus grande influence sur notre groupe. J’ai commencé à apprendre le piano grâce à lui. Nous l’avons vu plusieurs fois en concert. La dernière fois, nous avions des places pour aller voir au Crystal Palace, à Londres, mais nous n’avons pas pu y aller parce que nous étions en tournée en Suède. On a écouté le début du concert grâce au téléphone de nos amis qui avaient pu y aller.

J’adore ses deux premiers albums « Greetings from Asbury Park » et « The wild, the Innocent and the E Street shuffle ». Qu’en pensez-vous ?

Danny : J’adore « The Wild, the Innocent… ». « New York City Serenade » est la chanson de Springsteen que je préfère.

Que pensez-vous de la tournée « Vote for change » qu’il a faite en faveur de John Kerry lors de la campagne présidentielle américaine ?

Danny : Ses chansons ont un contexte social très présent. Il a toujours parlé du quotidien des gens. En dehors du 11 septembre, il n’a jamais fait de déclarations politiques fracassantes. C’est bien qu’il ait enfin pris clairement position. C’est bien qu’il ait clarifié les choses, puisque beaucoup croient encore que « Born in the USA » est une chanson patriotique… Springsteen est un gars qui aime sa patrie, mais il n’est pas nationaliste.

Si on peut ajouter un album tout récent, je voudrais parler du dernier album des Hankdogs, Half Smile. Nous avons joué avec eux. C’est un groupe qui joue en famille : un mec avec sa femme et sa fille d’un premier mariage. Leur musique, de la folk britannique, est très mélodieuse, avec deux femmes qui chantent magnifiquement bien.

– Grand Drive, The Lights In This Town Are Too Many To Count (BMG)

-Le site officiel de Grand Drive

-Lire également le blog de notre ami Stephanopoulos