Entre un Smog rachitique et les escapades spacieuses d’Idaho, le folk intense de Lazarus touche fréquemment notre corde sensible. Un très grand disque destiné aux folk-coreux écorchés.


Pour certains musiciens, enregistrer un bon disque signifie se payer le studio le plus hi-tec du moment, avec mini-bar et Playstation à portée de main. Pour d’autres, comme Lazarus, leur propre chambre et un modeste huit-pistes suffisent à leur bonheur. Alors évidemment, il n’y a pas de règles en ce qui concerne la confection d’un bon disque, mais cette approche intimiste à laquelle tend Lazarus, Six Organs of Admittance, Guided By VoicesWill Oldham nous conforte toujours dans l’idée qu’une oeuvre puissante puisse prendre forme avec des bouts de ficelle et surtout beaucoup de coeur. Car c’est souvent dans ces conditions-là que les meilleurs disques à la dérobée ont vu le jour. Et du coeur, William Lazarus semble en avoir en revendre par quintaux.

De son vrai nom William Trevor Montgomery, cet ancien membre de Tarentel vole de ses propres ailes depuis un an et demi. Enregistré dans sa chambre, son premier album Songs for an Unborn Sun présentait des folk songs très crues, croisement improbable entre Arab Strap et Palace. Ses chansons remplissaient pleinement le contrat d’exorcisme artistique, avec son déballage de sentiments confus sur fond de crudité sale et sexuelle.

En 2004, le guitariste a tourné aux côtés des Explosions in the Sky, ce qui lui a forcément donné quelques idées pour édulcorer son folk déprimé. Depuis, Lazarus est allé de l’avant, son second album n’est plus enregistré à portée de main de son réveil-matin, ni de sa fenêtre, mais dans des conditions studio honorables. Cependant, l’homme reste fidèle à ses racines, pour preuve, un second CD de démos est inclus avec la première édition de Like Trees We Grow Up To Be Satellites, comme si le bonhomme avait presque des remords d’avoir franchit les portes de ces maudits studios. On le rassurera, ses compositions fragiles n’ont pas été ébréchées et au contraire ont pris de l’ampleur.

Accompagné de ses potes de Tarentel et produit par Scott Solter (Tarentel, Court & Spark), Like Trees… laisse toujours la part belle aux cordes en bronze de guitare folk, alignant des accords ou des arpèges bancales à la beauté aride. Quelques loops et notes de piano y ont été greffés, placés subtilement en arrière-fond, de manière à accroître ce sentiment de solitude et d’étrange plénitude. Et puis la magie fait le reste : Sur “This American Dream”, on comprend facilement pourquoi un rock critic américain a déclaré avoir pleuré en écoutant ce disque : Lazarus chante comme s’il semblait mordre la poussière à chaque couplet.

Qu’il soit d’une proximité désarmante, “Croslin St. (MCMSM)”, ou plus doux sur le flottant “Poet of Emptiness”, Lazarus ne fait pourtant aucun compromis, et c’est peut-être pour cela qu’on adhère si facilement à sa cause. Et même lorsque le bonhomme s’accorde un interlude rock sur “Singing to the Thieves”, ce vague à l’âme ne veut pas disparaître. Preuve que ce mal-là n’est pas près de cicatriser et nous réservera pour sûr à l’avenir encore quelques grands moments de spleen intense. Tout de même, quel bonheur paradoxal que d’écrire des folk-songs.

-Notre chronique de Lazarus – Songs for an Unborn Sun

-Le site de Lazarus