Un pamphlet engagé dans les méandres de My Bloody Valentine version hip hop, avec en option l’industrie post-moderne et l’angoisse post-mortem…
Une fois de plus, c’est au formidable label de Mike Patton que nous avons affaire, mais, une fois n’est pas coutume, c’est pour parler de quelqu’un qui est ‘juste’ hébergé chez Ipecac. Du hip hop angoissant, voilà ce que nous sert Dälek, trio formé de dälek ( MC et producteur), Oktopus (producteur) et Still (aux platines) qui se prononce Dialect, et qui existe depuis 1997. Troisième album à leur actif (quatrième si on compte la collaboration avec Faust, Derbe respect alder), beaucoup n’ont pas peur (ni tort) de les comparer à un Public Enemy des années 00, tant leur propos est incisif. Rien qu’à jeter un coup d’oeil sur les titres, on comprend qu’on a pas affaire ici à un groupe de rap à la noix – arborant de belles fesses au bord d’une piscine – : « A beast caged », « Culture for dollars », « Opiate the masses »… On est pas là non plus pour parler défonce ici. On est là pour dénoncer, encore et encore, se servant du hip hop comme d’une tribune politique plus ludique, car artistique et intègre.
Le décorum est cela dit plutôt dépressif (à l’image de la société actuelle vous diront-ils), avec des bruits d’usine désaffectée dans zone urbaine craignos, infestée de vieux clodos alcoolos et de jeunes toxicos sous méthadone, sans oublier les prostituées infestées de MST : un avant-goût de l’enfer en quelque sorte. « A beast caged », à titre illustratif, semble avoir pas mal de similarités avec la bande-son du Retour des morts vivants, pendant que d’autres titres lorgnent du côté de The Ring… la pochette en dit long aussi, convenez-en. On a même droit à des instrumentaux type fin du monde, comme sur « Köner ». Les guitares qui miaulent ici et là ajoutent une couche – épaisse – d’ambiance oppressante, de félins qui traquent le moindre signe de faiblesse de leurs proies potentielles. Un côté Mad Max ou Blade Runner planne sur toute la galette : le futur n’est en tout cas pas beau à voir! Ce disque pourrait à bon escient accompagner l’un des bouquins de l’exilé qui a écrit Babylon babies (Maurice Dantrec)…
« Eyes to form shadows » est probablement le titre le plus cinglant : sur un loop entêtant, Dälek crache sa colère.
Les bruits de train qui freine (ou déraille) sont présents dès le titre d’ouverture, « Distorted prose ». On navigue sur des eaux connues, celles du rap catégorie post-rock ou hip hop alternatif, (qui s’adresse essentiellement à un public blanc, a priori pas friand de hip hop), alliant le flow à un paysage industriel et industrieux, assez caractéristique de nos temps modernes. Il est en même temps assez difficile de définir et de décrire un tel album, tant il sort de l’ordinaire. Sachez en tout cas que même ceux qui sont allergiques au genre rap déclarent apprécier la galette.
Il faut peut-être rappeler que Dälek cite souvent My Bloody Valentine comme une de ses principales sources d’inspiration (ça s’entend d’ailleurs ‘clairement’ sur « Ever somber » ou « A beast caged »), ce qui est plutôt parlant au gré des écoutes. Egalement qu’ils ont collaboré avec Faust, ce qui fait office de collaboration atypique. Et enfin qu’ils ont mordu de la poussière en couvrant la première partie de la tournée des Melvins ou Tomahawk, publics loin d’être gagnés à leur cause. Ces différents faits expliquent un puzzle assez complexe, et surtout ce je ne sais quoi qui fait que les gens accrochent à la musique militante de Dälek. A raison.
Le site de Dälek