Dans le sillon de Nick Drake et d’un José Feliciano, ce jeune songwriter nous transporte autour d’un cadre intimiste où les frissons de guitares baroques nous agrippent. Hypnotique et magistral.


Chouette, encore du folk désincarné solitaire ! Faut dire qu’en la matière, on est vraiment gâté ces temps-ci et que la concurrence est devenue vraiment très rude, vu les virtuoses qui se bousculent au portillon (allez, je me répète mais j’insiste, un rappel essentiel des faits : Lazarus, M .ward, Six Organs, Iron & Wine, Hayden…c’est noté ? vous me remercirez plus tard). Nouveau venu âgé de 25 ans, José Gonzalez parvient pourtant à s’extirper de l’embouteillage et rejoindre avec une classe confondante le peloton de tête sur son superbe premier album Veneer.

Les origines de José Gonzalez sont un véritable noeud d’influences : né de parents argentins ce guitariste éclectique vit à Gothenburg en Suède et chante en anglais, cultivant ainsi le melting pot identitaire. Après plusieurs implications en tant que guitariste dans des formations rock, il décide de voler de ses propres ailes et en profite pour réétudier l’instrument en abordant le classique, flamenco, bossa et les standards pop des Beatles. Déjà auteur de deux excellents Eps depuis 2003, Gonzales connaît un joli succès en Scandinavie. Il faut dire que l’univers acoustique de ce latino des fjords ne laisse personne indifférent tant la beauté qui en émane réserve de sacrés frissons.

Ce premier long format compile les moments forts des EP et singles précédents – certains uniquement écoulés à 500 copies et donc introuvables -, plus une poignée d’inédits. Simplement accompagné d’une guitare et rythmé par des percussions en sourdine (le rythme est ici davantage battu par la dynamique des cordes de guitares), Veneer est le genre de disque qui impressionne avec peu de moyens.

Evidemment, le concept du fado tourmenté accompagné d’un bout de bois n’est pas très novateur, et beaucoup de références nous viennent en tête. Il n’empêche – et ce disque en atteste une fois de plus – que les variations qui peuvent en résulter sont infinies. Accompagné d’un jeu de cordes en nylon, notre hôte fait des merveilles autour de compositions habiles et poignantes. Ces arpèges exigeants apportent une tonalité solitaire digne du Pink Moon de Nick Drake, certaines élucubrations flamenco/baroque évoquent un autre disparu, l’immense Bryan Mac Leane (Love). Petite touche exotique, le séduisant accent sud-américain de Gonzalez nous évoque le lointain crooner latino José Feliciano. Plus proche de nous, ce spleen en solitaire suit les mêmes risières de forêt qu’Iron & Wine. D’ailleurs la pochette est dans le même esprit cartonné que The Creek Drank The Cradle, même si l’esthétique de cette étrange diagramme tend vers le label Factory.

Les troublants “Crosses” et “Deadweight on velveteen » développent encore ces arpèges hypnotiques à la tristesse classieuse. Sur le hanté “Heartbeats” (une reprise aux antipodes des compatriotes electro-pop The Knife), la personnalité du virtuose est tellement puissante qu’il transcende la version originale. Notre star scandinave s’était d’ailleurs précédemment distinguée dans cet exercice avec “Love Will Tear Us Apart” de la division de la joie (définitivement la chanson la plus reprise du giron indé). Seul petit luxe en guise d’épilogue, une trompette accompagne en chant du signe le dernier titre, “Broken Arrow ». Fortement secoué par ce que l’on vient d’entendre, on en reste béat, la bouche grande ouverte, la tête emplie de nouvelles émotions.

Déjà chouchouté par quelques valeurs sures (il vient récemment d’ouvrir en première partie de The Arcade Fire à Londres), notre homme sera à Paris au café de la Danse le 25 mai prochain. Et l’on ne tient déjà plus en place. Ola !

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