Enfin décomplexé des exigences professionnelles et techniques, le champêtre Sam Beam a trouvé sa voie en studio, rallumant la lumière de The Creek Drank the Cradle et se permettant même d’enrichir son vocabulaire mélodique. Somptueusement équilibré.


Sam Beam est un personnage aussi discret et inhabituel qu’un barbu se promenant sur les plages de Miami. Maître d’oeuvre de la cabane Iron & Wine, ce résident de l’état de Floride préfère rester dans sa chambre pour enregistrer des chansons en sourdine, simplement habillées de six-cordes boisée et motivées par beaucoup de tisane.

En 2002, ce bon père de famille nous avait été révélé par The Creek Drank the Cradle, un premier album passé inaperçu sur le vieux continent, qui avait pourtant fait très forte impression de l’autre côté de l’Atlantique. Avec les lumineux Shins, Iron & Wine avait relancé spectaculairement la cote du label de Seattle Sub Pop, enfin dépatouillé de son image de repère pluvieux de chemises à carreaux et bucherons grunge.

Enregistré auprès du lit sur un modeste 4 pistes, The Creek Drank the Cradle possédait un cachet incomparable, une collection de folk songs chaleureuses et obsédantes, forgées sur le même enclume que celles d’un Mark Kozelek ou d’un Nick Drake. Moins dépressives, ces mélodies riches aux textes apaisés nous touchaient droit au coeur et sentaient bon l’authenticité. Sensation réitérée l’année suivante avec le EP The Sea and the Rhythm, qui collectait le reste de la première démo envoyée à Sub Pop.

Affranchi de son statut de musicien du dimanche, Mr « Beam » passe à l’étape supérieure avec la redoutée épreuve en studio. Malheureusement, Our Endless Numbered Days (2004), second album enregistré avec le producteur Brian Deck (Fruitbats, Modest Mouse), déçoit un peu. Le passage de relais entre lo-fi et hi-fi semble moins évident et la magie s’est un peu diluée dans le travers des potards d’une table de mixage. Pas encore à l’aise avec cette nouvelle approche moins bohème, on sentait notre affectueux barbu coincé entre les murs froids d’une cabine studio et miné par les contraintes de temps.

Bonne nouvelle, Woman King, nouvel EP enregistré de nouveau avec Brian Deck derrière les manettes, trouve finalement le bon consensus entre travail studieux en studio et la chaleur des démos confectionnées en autarcie.

Sur ces six nouvelles charpentes, le chant de Beam est de plus en plus soutenu par les choeurs de sa soeur Sarah, ce qui pourrait bien expliquer ce retour de chaleur. Remis en confiance, Beam y exploite mieux de nouvelles dynamiques : Il n’a plus peur de mettre un piano en avant, ou de laisser un violon voire même une guitare électrique dicter quelques caprices d’ego (sur “Evening On The Ground (Lilith’s Song)”), mais rassurez-vous rien de traumatisant (et savamment placée en fin de parcours).

Sur “Woman King”, des percussions rythment le jeu sur les cordes de guitare, tandis qu’un bottleneck se plait à zigzaguer. Beam sait faire partager cet amour du bois noble et des choses simples. Son fin doigté et cette voix paternelle sont du pain béni, comme en témoignagent les sublimes et poignants “My Lady’s House” et le déjà classique “Jezebel”, deux de ses plus grandes réussites à ce jour.

Tout ceci semble de très, très, bonne augure pour les prochaines aventures de ce charpentier, et en attendant le prochain EP, Lays in the Reigns, enregistré en compagnie de Calexico, on replonge dans ses petites histoires dignes d’un roman de Steinbeck, un peu teintées de mysticisme, qui ont le don de rendre plus humble celui qui daigne poser une oreille dessus.

-Notre entretien avec Iron & Wine (2004)

-Iron & Wine – The Creek Drank the Craddle