Echappée des Walkabouts pour la première fois depuis vingt ans, Carla Torgerson peine à séduire sur un Saint Stranger bancal, perdu entre Seattle et Athènes. Reste une voix, habitée.
C’est terrible à écrire mais la meilleure chanson du premier album solo de Carla Torgerson est la chanson d’une autre. Magnifiquement interprétée, “Through December”, somptueuse ballade hivernale offerte par Laura Veirs à la chanteuse des Walkabouts, donne le frisson. Ce même frisson on ne le croisera malheureusement qu’une fois sur Saint Stranger.
Partie enregistrer son disque en grande partie en Grèce sous l’égide d’Akis Boyatzis et de son groupe Sigmatropic avec lequel elle avait déjà collaboré au sein du projet Sixteen Haiku and Other Stories en 2001, Carla Torgerson semble s’être égarée sur la route, entre Seattle et Athènes. Des superbes ballades mélancoliques que les Walkabouts avaient pu graver dans une discographie touffue (on se rappelle le très beau Devil’s Road en 1996), il ne reste ici que des ruines. Sûrement parce que l’on retrouve Akis Boyatzis derrière la majeure partie de Saint Stranger.
Il faut en effet se rendre compte à quel point Akis Boyatzis a corrompu l’une des voix féminines les plus sensibles du rock dépressif américain en la fourvoyant dans le mauvais goût (solo et son de guitare bavants et sucrés) et la facilité. Le summum de ce mariage contre nature résidant dans ce mélange interculturel aussi puant que de la feta que constituent les neuf minutes de “Dreh Es Hum”. Du refrain pompier et pesant de “Pelagic” aux effets de drum looping et de synthétiseur de “Two Tango” en passant par la guitare putassière de “Dust As We”, la moitié de Saint Stranger est ainsi navrante d’artifices sonores destinés à masquer la pauvreté de compositions peu en phase avec leur interprète.
Heureusement, on trouvera ailleurs quelques raisons de vite oublier les compositions de ce Boyatzis malvenu. Un “Gardian Angels” printanier dont les habits ne déplairaient pas à Kurt Wagner et son Lambchop ou l’univers étrange et fantasmagorique du quasi instrumental “Rend”. Pire, un morceau caché, “Where Your Front Door Is”, où dans ses plus simples habits (guitare / voix) Carla Torgerson émerveille à nouveau, viendra achever de nous convaincre du mal qui lui prit de faire la touriste sur les terres du Parthénon .
Avec Saint Stranger, Carla Torgerson a peut-être ressenti le besoin de couper le cordon avec les Walkabouts de manière radicale. Reste que ce premier album solo, n’est pas le sien. Pas entièrement tout du moins. Dommage.
-La page dédiée à Carla Torgerson sur le site des Walkabouts